Cet article date de plus de cinq ans.

"Je ne veux pas que ma famille se déchire" : l'affaire Vincent Lambert les a convaincus de rédiger leurs directives anticipées

Article rédigé par Marion Bothorel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Une ambulance roule vers le service d'urgences du CHU de Nantes, le 30 avril 2019.  (LOIC VENANCE / AFP)

Vincent Lambert, plongé dans un état neurovégétatif "irréversible" depuis onze ans, est mort jeudi matin. Son sort a déchiré sa famille, car l'ancien infirmier n'avait pas rédigé de directives anticipées. Témoignages de ceux qui ont, depuis, décidé de rédiger les leurs. 

"Je ne l'ai pas fait mais ce que je vois de l'affaire Vincent Lambert (...) va m'amener à le faire." Ces propos sont ceux de Bruno Le Maire, mercredi 22 mai, au micro de Franceinfo. L'état végétatif "irréversible" dans lequel est placé Vincent Lambert depuis onze ans, et les multiples rebondissements au sujet de l'arrêt de ses soins, marquent les esprits, dont celui du ministre de l'Economie et des Finances. L'ancien infirmier, dont les traitements ont été interrompus la semaine dernière, est mort jeudi 11 juillet à 8h24, ont annoncé plusieurs membres de sa famille.

>> Retrouvez toutes les réactions après la mort de Vincent Lambert

Avant qu'un grave accident de la route survenu en 2008 ne le rende tétraplégique, Vincent Lambert n'avait pas consigné par écrit de directives anticipées. Sa femme assure en avoir parlé avec son mari et affirme qu'il n'aurait pas souhaité être maintenu ainsi en vie, comme elle l'écrit dans Vincent : parce que je l'aime, je veux le laisser partir (éditions Fayard).

Lundi 20 mai, l'arrêt de son alimentation et de son hydratation artificielle a été lancé, après avoir été prononcé à cinq reprises en six ans. Le soir même, ses parents ont une nouvelle fois suspendu la procédure après une décision de la cour d'appel, relançant la bataille judiciaire. Un énième revirement qui a poussé de nombreux Français à rédiger leurs directives anticipées. Franceinfo a recueilli leurs témoignages.

"Ce n'est pas aux membres de la famille de faire ce choix"

Chaque personne majeure peut rédiger ses directives anticipées pour préciser son souhait concernant sa fin de vie et y revenir quand il le souhaite. En cas d'accident ou à l'issue d'une maladie grave, le personnel soignant et la famille seront légalement tenus de s'y conformer.

Deux jours après ce nouveau rebondissement dans l'affaire Vincent Lambert, Jean-Louis a imprimé et complété le formulaire disponible sur le site du ministère de la Santé et des Solidarités (en PDF). Son père est mort des suites d'une maladie de Parkinson et sa mère est aujourd'hui atteinte d'Alzheimer. "J'ai vécu le fait d'accompagner des personnes lourdement handicapées pendant plusieurs années, je ne sais pas si mon fils en sera capable mais je n'ai pas envie de lui infliger ça", explique-t-il à franceinfo.

C'est l'une raison pour lesquelles je rédige mes directives anticipées : c'est ma décision et ça évitera aux gens de devoir choisir à ma place.

Jean-Louis

à franceinfo

Ce consultant informatique dans le Val-de-Marne explique ainsi vouloir donner ses dispositions à sa femme ainsi qu'à son médecin lors d'une prochaine consultation. "Je me dis que c'est effectivement très compliqué de prendre la décision pour l'épouse et pour les parents. Ce n'est pas aux membres de ma famille de faire ce choix, ils n'ont pas à se diviser là-dessus, juste à rester unis dans cette épreuve", déclare de son côté Joseph, qui finalise ses directives. 

Délégué médical dans les Yvelines, il a subi une lourde opération du cerveau en novembre et a été convaincu par le cas de Vincent Lambert. "Je ne veux pas que ma famille se déchire à cause de ça si un jour il m'arrive quelque chose de similaire, pour savoir si on maintient les soins ou autres..." confie-t-il. Joseph explique d'ailleurs que sa démarche a été facilement acceptée par sa famille, du même avis que lui. 

Un formulaire pré-rempli à imprimer

"J'avais déjà exprimé [à mes parents] le fait que je ne voulais pas être réanimée à tort, qu'on s'acharne et que je sois un 'légume' dans un lit. Avec cette affaire qui n'en finit pas, je me suis dit qu'il fallait que je l'écrive parce que je ne voulais pas que ça m'arrive un jour", explique Amélie, bientôt titulaire d'un diplôme d'infirmière. La jeune femme de 21 ans raconte avoir vu la fin de vie dans tous les services où elle est passée. La décision du Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt des soins l'a aussi convaincue de coucher ses volontés sur une feuille de papier. "Tout est pré-rempli, il y a juste à mettre deux phrases et signer", rapporte-t-elle.

L'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) met à disposition un formulaire similaire depuis une "vingtaine d'années", selon son délégué général, Philippe Lohéac. Proposant une ligne d'écoute aux personnes en quête d'informations, l'ADMD constate, depuis lundi soir, une augmentation du nombre d'appels. Si l'association ne tient pas les comptes, "toutes [les] conseillères enchaînent les appels dès l'ouverture de la ligne téléphonique", avance Philippe Lohéac. Entre lundi matin et mercredi en début d'après-midi, l'association a enregistré près de 340 nouveaux adhérents désireux de se renseigner sur leur fin de vie.

Du passage de l'oral à l'écrit

Eléonore, âgée de 41 ans, est atteinte depuis son enfance d'une ostéogénèse imparfaite, plus connue sous le nom de "maladie des os de verre". Elle est habituée à renseigner ses volontés dans son dossier médical et, avant chaque intervention, elle les consigne également dans son téléphone : "J'ai créé un contact 'en cas d'accident ou d'urgence' et j'y ai inscrit mes directives dans la partie 'notes' de la fiche de contact."

L'affaire Vincent Lambert a été l'occasion pour elle de préciser encore plus ses volontés. "Cela m'a fait réaliser que les différences entre le coma ou l'état pauci-relationnel, par exemple, n'étaient pas évidentes pour tout le monde, développe-t-elle. Il n'y a qu'un cas où j'accepterais d'être 'débranchée', c'est si je me retrouve en état de mort cérébrale (...) Pour tous les autres cas, en revanche, je veux être soignée." 

Pour beaucoup, le plus difficile est le passage de l'oral à l'écrit. "C'est ce qui est compliqué pour les gens car c'est très angoissant de penser à sa propre mort. L'écrire sur le papier, c'est l'accepter", explique Amélie, la future infirmière, qui le constate à l'hôpital.  "Ma prochaine étape, c'est que mes parents les écrivent, pour eux", lance-t-elle. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.