: Témoignage "Il faut entendre cette souffrance" : le père de Mathys, mort des suites d'une maladie rare, regrette le manque de culture palliative chez certains soignants
C'est avec beaucoup d'émotion, des pauses parfois que Christophe Lucas se souvient des derniers mois de son fils Mathys, atteint de la maladie rare et incurable de Lafora, une épilepsie extrême. En novembre 2020, Mathys qui a 18 ans est hospitalisé. Il ne parle plus et interagit de moins en moins. "Dès qu'il y avait la toilette à faire, le moindre mouvement du lit ou du fauteuil, ou de lui, allait générer une crise d'épilepsie avec tremblements, convulsions, etc. On est en fin de vie", décrit Christophe Lucas.
"Quand je demande qu'il soit autorisé à partir en soins palliatifs, partant du principe que je vois que c'est un enfant qui souffre physiquement et psychologiquement, cela m'a été refusé au départ. On m'a dit que ce n'était pas possible, qu'il y avait peut-être des solutions, mais en sachant qu'avec cette maladie, il n'y a pas de solution", poursuit-il. Aujourd'hui, il y a consensus pour dire que la culture palliative n'est pas assez développée chez les professionnels de santé.
Dans le projet de loi du gouvernement sur la fin de vie que le ministère de la Santé est chargé de rédiger cet été, un volet doit justement y figurer pour généraliser les soins palliatifs à tout le territoire, et encourager la formation des soignants sur ce thème. Le texte sera présenté à la fin de l'été, introduisant comme l'a demandé Emmanuel Macron un "modèle à la française d'aide active à mourir". La question est de savoir si la France choisira le suicide assisté ou l'euthanasie.
Une prise en charge de la douleur
Pour Christophe Lucas et son fils, à la suite de ce refus, commence alors deux mois de souffrance, avec notamment un passage traumatisant dans un service d'urgence débordé par l'épidémie de Covid-19. Finalement, les médecins acceptent de laisser Mathys partir en unité de soins palliatifs où le jeune homme bénéficie d'une prise en charge de la douleur. "À partir du moment où il est rentré en soins palliatifs, au bout de quelques jours, on a senti qu'il y avait un apaisement physique et psychologique, explique Christophe Lucas. Il était bien là où il était."
"Au bout de deux jours, on a vu notre fils avec le sourire. Pas de la joie mais le sourire de nous voir, de l'accompagner, de lui tenir la main."
Christophe Lucas, le papa de Mathysà franceinfo
"C'était un vrai accompagnement car ils maîtrisent vraiment l'alimentation, la souffrance, etc. Il y a l'accompagnement aussi d'une psychologue, sur place. Elle nous a pris en charge tout au long de ces trois semaines. Je peux le dire aujourd'hui, mon fils est parti apaisé", confie-t-il.
Aujourd'hui, Christophe Lucas regrette de ne pas avoir insisté pour que la souffrance et la fin de vie de son fils, soient prises en charge plus tôt, comme lui a confirmé le médecin de l'unité de soins palliatifs. "Les premiers mots qu'il nous a dits, c'est : 'Il arrive tard.' Cela résonne toujours en moi. C'est-à-dire qu'il aurait été plus sage qu'il soit pris en charge plus tôt en soins palliatifs pour diminuer la souffrance, parce que c'est le but des soins palliatifs", se rappelle-t-il.
Un plan "soins palliatifs" pour les dix prochaines années
Christophe Lucas en veut à la neurologue qui a d'abord refusé le transfert de son fils en unité de soins palliatifs. Il regrette ce manque de culture palliative des soignants : "Le médecin reste accroché à l'idée qu'il y a une maladie à guérir, qu'il doit réparer ou soigner un patient, et qu'il ne peut pas baisser les bras devant la maladie."
"Malgré tout, à un moment donné, il faut aussi comprendre que l'on est incapable d'aller plus loin pour le patient, que si on va plus loin, peut-être qu'on le laisse souffrir. Cette souffrance, il faut l'entendre."
Christophe Lucas, le papa de Mathysà franceinfo
En France, encore 20 départements ne bénéficient pas d'unité de soins palliatifs. "C'est un très beau métier, très difficile, mais un très beau métier avec des équipes qui ont beaucoup de patience, de déontologie et beaucoup de regards sur les patients et la famille. Quand le patient arrive, ce n'est pas la maladie qu'elles vont regarder, c'est comment limiter la souffrance du patient et de l'entourage. C'est quand même quelque chose de très important à prendre en compte aujourd'hui", estime Christophe Lucas.
Le gouvernement doit aussi présenter fin 2023 un plan "soins palliatifs" pour les dix prochaines années dont le but est de "diffuser la culture palliative auprès de l'ensemble des soignants et de sortir du tout curatif".
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