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Trois questions sur la suppression des notes à l'école

La fin du zéro pointé ? Le Conseil supérieur des programmes propose de remplacer les notes par "une évaluation bienveillante". Explications.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Dans l'une des classes de l'école Harouys, à Nantes (Loire-Atlantique), le 5 septembre 2011, jour de la rentrée scolaire. (FRANK PERRY / AFP)

Terminées les notes humiliantes, éternel cauchemar des cancres ? Le Conseil supérieur des programmes a remis, jeudi 27 novembre, à la ministre de l'Education nationale Najat Vallaud-Belkacem, un document qui révolutionne l'évaluation des élèves. Francetv info revient en trois questions sur ce changement possible.

Qu'est-ce qui est proposé ?

Le Conseil supérieur des programmes (CSP) veut en finir avec un système de notation jugé stressant pour les élèves. L'idée n'est plus de noter tel ou tel devoir ou contrôle continu, mais de vérifier ce que le CSP appelle des "blocs de compétences" dans chaque matière, grâce à des bilans de fin d'année. Il s'agit de percevoir les progrès de l'élève, et de pouvoir remédier à ses lacunes par un soutien ciblé.

Selon Le Monde, le CSP préférerait aux notes "un barème de 4 à 6 niveaux, sur le modèle de ce qui se pratique dans de nombreux pays. En Allemagne, les notes vont de 6 (pour très faible), à 1 (pour très bon). Aux Etats-Unis, les enseignants utilisent six lettres, de A à F. En Finlande, pays souvent cité comme modèle, on ne note pas avant le collège et la seule note sous la moyenne est 4 sur 10."

Au passage, le Conseil supérieur des programmes saborde l'idée de moyenne générale : plus question pour un élève bon en maths mais mauvais en français de se raccrocher à son point fort. Il devra aussi acquérir des compétences satisfaisantes dans la matière où il est plus faible.  

Quel est l'objectif ?

Pourquoi le Conseil supérieur des programmes souhaite-t-il abolir les notes ? Parce qu'il veut "promouvoir une évaluation qui soit au service de l'amélioration de la qualité de la scolarité obligatoire. Il s'agit de construire un processus d'évaluation qui à la fois donne confiance aux élèves et à leurs familles et fasse confiance aux professeurs". Et en finir avec des notes dont l'effet pédagogique n'est pas prouvé, mais dont l'effet stressant est garanti.

Selon les tests PISA (qui évaluent les performances scolaires des enfants de 15 ans dans les différents pays de l'OCDE), les écoliers français sont moins confiants que les autres en leurs capacités. Le système élitiste français, d'ailleurs de moins en moins performant, y est pour beaucoup. L'ancien ministre de l'Education nationale Vincent Peillon, rapporte Slate, a même déclaré en 2012 que les élèves français étaient, avec les Japonais, les plus malheureux.

Il n'a pas tout à fait tort. "La proportion d’élèves qui disent être très tendus lorsqu’ils ont un devoir de mathématiques à faire représente plus de 50% en France et au Japon, contre 7% seulement en Finlande. L’OCDE calcule un 'indice d’anxiété' où, en la matière, il n'y a que la Tunisie, le Brésil, la Thaïlande, le Mexique et la Corée (seuls ces deux derniers étant membres de l’OCDE) pour faire pire", rapporte encore Slate. Or la pression des notes est depuis longtemps un facteur identifié de stress des élèves français. 

Quels sont les arguments des opposants au projet ?

Le changement de système d'évaluation des élèves n'est que la première pierre d'un chantier beaucoup plus vaste, qui comprend la refonte des programmes du primaire et du secondaire et la réforme du brevet. 

Le Snalc (Syndicat national des lycées et collèges) ne semble pas convaincu. Dans un communiqué furibond, le syndicat donne un piteux 2/20 à la copie du CSP. Le syndicat s'insurge aussi contre le fait que la note serait "perçue exclusivement comme un moyen de récompense ou de sanction et un instrument de tri et de hiérarchisation sociale des élèves. Oser affirmer que c'est la notation chiffrée qui serait à l'origine de la perpétuation des inégalités sociales, personne n'avait encore osé le faire !" En gros, l'Education nationale est accusée de casser le thermomètre pour dissimuler la fièvre. 

Deuxième argument, repris par Luc Ferry, ancien ministre de l'Education nationale, dans Le Figaro : "Mettre des lettres à la place (des notes) avec six niveaux, ça finit par revenir exactement au même. On a juste fait semblant et rien n'est pire pour les enfants que les faux-semblants."

Ultime argument : "Une évaluation n'a pas à être bienveillante, il suffit qu'elle soit objective." Pour Luc Ferry, si on supprime la notation du cadre scolaire, "la réalité postscolaire se chargera de la rappeler, et de manière autrement plus dure".

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