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Pourquoi parents et profs veulent garder leur ZEP

Depuis plusieurs jours, enseignants et parents d'élèves se mobilisent dans toute la France pour ne pas sortir des zones d'éducation prioritaire. Quelles sont leurs inquiétudes ?

Article rédigé par Jéromine Santo-Gammaire
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
A la rentrée 2015, 1 082 nouveaux réseaux d'éducation prioritaire (REP et REP+), comprenant chacun un collège et ses écoles de secteur, entreront en vigueur et remplaceront la carte actuelle. (THIERRY THOREL / CITIZENSIDE)

"Donner plus à ceux qui ont moins." Voilà le slogan à l'origine de la création des zones d'éducation prioritaire (ZEP) en 1981. L'objectif : combattre les difficultés scolaires et sociales que rencontrent les élèves issus de certains quartiers. Depuis, le dispositif n'a cessé de s'étendre, changeant de nom (on parle aujourd'hui de réseaux d'éducation prioritaire, REP) et superposant les zones, rendant la carte de l'éducation prioritaire illisible. Aujourd'hui, 20% des élèves français du premier et du second degré sont concernés.

Le gouvernement a donc entrepris de redessiner cette carte, notamment pour recentrer les moyens sur les établissements qui rencontrent le plus de difficultés (en constituant des réseaux d'éducation prioritaire renforcés, les REP+). Ce qui implique la sortie de certaines écoles du dispositif. Et c'est là que le bât blesse. Après certains établissements de Saine-Saint-Denis, ceux des Hauts-de-Seine faisaient grève, jeudi 27 novembre, pour protester contre leur sortie des REP. 

"Tout le monde est d’accord sur le fait qu’il faut reconcentrer les moyens, mais personne ne veut être concerné", estime Marc Douaire, le président de l'Observatoire des ZEP, interrogé par Slate. Francetv info résume les éléments qui suscitent la colère et l'inquiétude des enseignants et parents d'élèves.

Ils craignent une dégradation des conditions d'enseignement

Pour Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUipp-FSU, syndicat majoritaire dans le premier degré, "il est essentiel de revenir sur la répartition du dispositif, dans la mesure où certains territoires ont évolué, certains ont davantage de mixité sociale, d'autres se sont dégradés".

Mais sortir du réseau signifie pour les établissements une perte de moyens. "On ne pourra plus se concentrer que sur l'essentiel", regrette Julien Leoni, professeur de lettres au collège Paul-Eluard de Montreuil (Seine-Saint-Denis), en grève depuis plusieurs jours. "On avait 16 heures financées qui nous permettaient de mettre en place un dispositif de soutien avec des petits groupes d'élèves en français, en maths et en techno. Ça fonctionnait bien puisque c'est plus facile de travailler, les élèves reprennent confiance. Et puis, on pouvait proposer une classe bilingue, un cours de latin et une option de grec."

Dans le premier degré, le nombre d'élèves par classe est actuellement restreint grâce au dispositif "plus de maîtres que de classes", qui affecte à toute école REP un enseignant supplémentaire. En sortant du réseau, les effectifs devraient augmenter. Les enfants de moins de 3 ans ne pourront plus être scolarisés.

Sans l'enveloppe spécifique dont bénéficient les établissements prioritaires, ce sont aussi un grand nombre de cours et de projets en réseau (collège et écoles du même secteur) qui ne seront plus financés.

"Nous avons mis en place entre les élèves de CM2 et de sixième un projet d'écriture collaborative tuteurée, explique Julien Leoni. Je travaille avec cet enseignant depuis dix ans parce que je le connais." "En théorie, rien n'interdit les écoles de poursuivre leurs projets, mais elles risquent de manquer d'argent", précise Sébastien Sihr.

Pour les enseignants, si l'établissement n'est plus classé REP, cela représente aussi 90 euros de moins sur la fiche de paie chaque mois. Suffisant pour pousser certains à partir enseigner ailleurs. "Cette indemnité est une source de stabilisation des équipes, estime Sébastien Sihr. Et le gouvernement l'a bien compris : il va la multiplier par 1,5 à 2% avec cette nouvelle réforme."

Ils dénoncent le "prendre aux pauvres pour donner aux pauvres"

Pour déterminer les nouveaux réseaux d'éducation prioritaire, l'Education nationale s'est basée sur quatre critères : le taux de boursiers, le taux d'élèves en retard en sixième, le taux d'élèves issus de catégories sociales défavorisées et celui d'élèves issus de zones urbaines sensibles (ZUS).

Une logique qui énerve Julien Leoni. "La mixité sociale, on a mis quinze ans à la gagner", soupire l'enseignant, qui craint de voir les progrès réalisés brutalement cassés. "Les enseignants et les familles voyaient la volonté de l'Education nationale de faire un effort pour leurs enfants. Ne pas obtenir le classement REP est vécu comme un abandon", constate Sébastien Sihr.

En Seine-Saint-Denis, cinq établissements sur 130 sortent du réseau d'éducation prioritaire. "C'est une violence symbolique envers le 93, s'emporte Julien Leoni. C'est le département qui a les plus gros problèmes sociaux, le plus de disparités ! C'est l'idée de prendre aux pauvres pour donner aux autres pauvres." En Seine-et-Marne, ce sont dix établissements qui sortiront du dispositif.

Dans les faits, chaque académie dispose d'une enveloppe et crée sa nouvelle carte. "Du coup, il peut y avoir des disparités d'une académie à l'autre", explique Sébastien Sihr. Il a écrit à Najat Vallaud-Belkacem pour obtenir une concertation nationale sur la nouvelle carte d'éducation prioritaire. Et assure que la ministre est sur le point d'accepter.

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