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"On dirait les écoles des régimes totalitaires" : le projet d'installation des drapeaux dans les classes laisse élèves et enseignants dubitatifs

Les députés ont adopté lundi un amendement prévoyant la présence obligatoire dans les classes des drapeaux français et européens. En Seine-Saint-Denis, au lycée Paul Eluard, l'annonce a laissé les élèves comme les enseignants pour le moins circonspects.

Article rédigé par Alexis Morel
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Les drapeaux français et européens sur le fronton de l'école Saint-Exupéry, à Hellemmes, près de Lille, dans le Nord. (DENIS CHARLET / AFP)

Un drapeau français bientôt dans toutes les salles de classe ? Les députés ont adopté lundi 11 février un amendement de l'élu LR Eric Ciotti prévoyant la présence obligatoire des drapeaux français et européens, ainsi que des paroles de la Marseillaise dans toutes les classes des écoles, collèges et lycées français. La mesure pourrait ainsi figurer dans la loi pour "une école de la confiance" débattue cette semaine à l'Assemblée nationale.

"C'est un peu abuser..."

En Seine-Saint-Denis, au lycée Paul Eluard, les drapeaux français et européens sont déjà bien visibles : on les trouve, comme le prévoit le Code de l’éducation, à l’entrée du lycée, mais aussi face au bureau du proviseur. Aussi, l'idée d'en installer dans chaque classe peine à convaincre les premiers intéressés. Les élèves sont, à tout le moins, partagés. Pêle-mêle : "C’est bien de connaître les symboles de notre nation mais dans toutes les salles de classes, c’est un peu abuser", s’exclame une élève.

Faut pas bourrer à ce point le crâne des gens ! Ça devient de l’extrémisme ! On dirait les écoles de régimes autoritaires… 

une élève du lycée Paul Eluard

à franceinfo

Une de ses camarades y trouve cependant une utilité : "Certains ne connaissent pas les symboles de la république, estime-t-elle. C’est bien de les connaître pour un citoyen français !" "Les jeunes d’aujourd’hui sont de moins en moins sensibilisés avec tout ça, renchérit une autre. Par exemple, tout le monde ne connaît pas la Marseillaise…" "On les connaît, les symboles de la République, tempère sa voisine. Ce n’est pas la peine de les rappeler constamment !"

Quid du coût ?

Leur proviseur, Bruno Bobkiewicz, par ailleurs secrétaire national du syndicat SNPDEN, n'est pas vraiment convaincu non plus et alerte sur le coût potentiel de l’installation. "D’après mes calculs, explique-t-il, si on veut installer un kit avec des drapeaux dans chacune des salles, cela représente vingt euros par salle. Dans un établissement comme le mien, avec cent salles, cela fait 2 000 euros..."

Si on le prend à l’échelle uniquement des lycées en Ile-de-France, cela représente un million d’euros. Je pense que si on le consacre à des opérations de prévention et de citoyenneté, on sera beaucoup plus efficaces…

Bruno Bobkiewicz, proviseur

à franceinfo

Sur ce point, le ministre de l'Education nationale a déjà temporisé en évoquant des options moins coûteuses, comme une simple affiche rassemblant les deux drapeaux et la Marseillaise.

"Dans la droite ligne d’un projet conservateur"  

Rien, pourtant, pour convaincre Thomas, professeur d'histoire-géographie en Seine-Saint-Denis, pour qui la proposition est loin d’être anecdotique. "Cette proposition s’inscrit dans la droite ligne d’un projet conservateur, dénonce l’enseignant. Les nouveaux programmes d’histoires sont centrés sur une manière d’enseigner l’histoire qui est conservatrice. Je pense qu’une république sociale qui n’a pas peur de ses élèves, n’a pas besoin de s’affirmer en permanence avec ce type de symbole." Le débat n'est pas terminé : face aux protestations de la gauche à l'Assemblée, l'amendement "drapeaux" doit faire l'objet d'un nouveau vote d'ici la fin de la semaine.

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