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La publication des indicateurs de lycées a-t-elle fait bouger les lignes ?

Publiés chaque année depuis 1994, ils permettent d'évaluer la qualité d'un lycée selon trois critères. Objectif : relativiser le taux de réussite au bac. 

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Résultats du baccalauréat au lycée polyvalent de Toulouse (Haute-Garonne) le 4 juillet 2014.  (  MAXPPP)

Appelez les "indicateurs", et non "classement" ou "palmarès". Chaque année, le ministère de l'Education nationale publie des données sur les lycées de France, comme mercredi 1er avril. On y trouve le taux de réussite au bac (comparé au taux attendu, calculé selon différents critères), le taux d'accès à l'examen depuis la seconde et la proportion de bacheliers parmi les élèves sortants. Objectif : évaluer les établissements en relativisant le seul taux de réussite au baccalauréat pour s'affranchir, notamment, de l'origine socio-économique des élèves. 

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Cela fait maintenant plus de vingt ans que ces indicateurs sont publiés. Chaque année, la rue de Grenelle fait œuvre de pédagogie pour rendre compte de la complexité des résultats et éviter la stigmatisation de tel ou tel lycée. Les médias, dont francetv info, en tirent néanmoins leur propre classement. Celui-ci ne liste pas, dans l'absolu, les meilleurs établissements, mais ceux qui apportent la plus grande "valeur ajoutée" au niveau initial de leurs élèves.

"Une intensification de la culture des évaluations"

La diffusion de ces éléments au grand public a-t-elle fait bouger les lignes ? A-t-elle réduit les inégalités scolaires, modifié la gestion des lycées, boosté les équipes éducatives, limité les préjugés des parents ? Aucune étude statistique n'a été jamais menée en retour par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp), en charge de collecter et traiter ces données.  

Pour Olivier Coutarel, proviseur du lycée Jean-Perrin à Lyon (Rhône), il serait de toute façon difficile de mesurer le rôle exact de ces indicateurs dans l'évolution générale des établissements. En 1999, son prédécesseur se plaignait dans Libération d'être mal classé pour son taux d'accès au bac (60%) en raison "d'une palette étroite de filières et d'options", conduisant de nombreux élèves de ce petit établissement à partir en cours de route. En 2013, ce taux avait bondi à 77%. L'établissement a-t-il mis les bouchées doubles pour améliorer ses résultats ? Olivier Coutarel y voit plutôt le signe d'un renforcement "de la culture des objectifs" dans le milieu scolaire, dont les indicateurs sont une traduction concrète, mais pas la seule. 

Des lycées moins en vue et plus petits en tête

Reste que sur les 20 établissements présentés comme les "meilleurs lycées" en 2014 par le site L'Internaute, ne figurent que des grands établissements parisiens ou des lycées privés. 

Pas de quoi bousculer les idées reçues, au contraire. Dans certains classements plus affinés, toutefois, émergent des établissements moins en vue et/ou plus petits. Tel que le lycée public Jean-Zay de Jarny (Meurthe-et-Moselle), repéré par Le Figaro pour ses 97% de réussite au bac en 2013, contre un taux attendu de 90%. Ou encore le lycée hôtelier Georges-Baptiste à Canteleu (Seine-Maritime), qui arrive dans le quatuor de tête de L'Express

Un impact sur les parents difficile à mesurer

Ce coup de projecteur médiatique modifie-t-il le regard des parents, au point de gonfler les inscriptions dans les lycées qui se distinguent ? Là encore, la corrélation est difficile à établir. Pour Paul Raoult, président de la FCPE, fédération de parents d'élèves, "cela ne change quasiment rien". "Ce classement national a un impact pendant deux trois jours et après, on l'oublie. Pour le choix d'établissement, le bouche à oreille et la réputation locale comptent davantage", observe-t-il. Valérie Marty, son homologue de la Peep, estime, au contraire, que cette "transparence" et cette "pédagogie" autour de la capacité d'un établissement à amener un élève au bac "a permis à des petits lycées, mal cotés auparavant, d'être mieux connus par les parents"

"Certaines familles viennent à l'inscription avec le palmarès en main, confirme François-Xavier Hauberdon, proviseur du petit lycée privé Notre-Dame-Saint-Joseph à Epinal (Vosges), bien classé depuis une dizaine d'années. Les parents de la région nous connaissent, mais ceux qui viennent de plus loin pour l'internat se réfèrent à ce classement." 

Une équipe éducative sensible à ces résultats

L'équipe éducative se montre, en tout cas, soucieuse de voir ses efforts bien notés. "L'impact est notoire. Les enseignants regardent notamment la valeur ajoutée du lycée. C'est ce qui valorise leur travail", observe Xavier Hauberdon. A l'inverse, "j'ai souvenir de certains enseignants vexés d'être dépassés par le lycée d'à-côté, raconte Valérie Marty. Il y a des établissements très bien notés [dans les précédents classements] qui ronronnent. Qui ne font plus d'efforts pour amener au plus loin leurs élèves".  

Ceux qui se démènent, au contraire, pour remonter leurs résultats, ne sont pas toujours récompensés. Le lycée Le Corbusier, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), n'affichait que 66% de réussite au bac, il y a cinq ans. Un taux remonté à 90% sur l'année scolaire 2013-2014. Mais comme le rapporte Le Monde, l'établissement s'est vu ensuite réduire sa dotation horaire globale par l'académie de Créteil. Le rectorat "a décidé de faucher notre élan", regrettent les enseignants. Des discussions sont toujours en cours.

Moins d'élèves lâchés en cours de route ? 

Un lien peut-il être établi entre ces bons résultats et la décision de l'académie de réduire la voilure ? Contactée par francetv info, l'académie de Créteil n'était pas joignable mardi. De son côté, le ministère de l'Education l'assure : ces indicateurs sont avant tout un "outil interne, qui peut servir de pilotage pour les académies et les rectorats"

"Ça ne sert absolument pas à gérer les moyens, rétorque Philippe Tournier, secrétaire général du syndicat des personnels de direction de l'Education nationale. Finalement, ces données sont extrêmement peu exploitées, à part par les médias." Il reconnaît toutefois un effet positif des classements effectués par la presse locale : "Les établissements privés très réputés se trouvaient mal classés car ils éjectaient les mauvais éléments avant le bac. Du coup, ils ont changé de politique. Le fait de mettre dehors les élèves en cours de route a diminué depuis vingt ans." Un impact non négligeable.

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