Violences conjugales : "Même s'il y a une mobilisation, elle n'est pas à la hauteur de ce qu'il faudrait"
Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie, était l'invitée de franceinfo samedi. Elle a dénoncé "le problème de société" que sont les violences conjugales et intrafamiliales : "Il y a une tolérance".
157 personnes sont mortes l'an dernier victimes de leur compagnon, amant, ou ex-compagnon, dont 123 femmes et 25 enfants, selon les chiffres publiés vendredi 1er septembre par le ministère de l'Intérieur. Le nombre de victimes augmente par rapport à 2015, où il était de 144. Bien que la prise de conscience politique se manifeste par une série de mesures pour lutter contre les violences domestiques, Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie, a estimé, sur franceinfo que la mobilisation "n'est pas à la hauteur de ce qu'il faudrait."
franceinfo : il y a de plus en plus de victimes, les plans mis en place par les gouvernements successifs ont-ils vraiment une incidence sur la protection de ces femmes ?
Muriel Salmona : À l'évidence, pas suffisamment. Même s'il y a une mobilisation, elle n'est pas à la hauteur de ce qu'il faudrait. C'est aussi un problème de société : il y a une tolérance vis-à-vis des violences conjugales, intrafamiliales, qui font qu'elles perdurent.
Les femmes victimes de violences ne sont encore que 14 % à porter plainte.
Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologieà franceinfo
Il faudrait vraiment des campagnes, et un impact médiatique très important pour pouvoir faire bouger les lignes.
Il est très difficile de faire prendre conscience à ces femmes qu'elles sont victimes…
Avec le cinquième plan, enfin, on se préoccupe beaucoup plus de l'impact psycho-traumatique de ces violences, et du fait que les médecins sont en première ligne pour détecter ces violences, poser la question systématiquement, non seulement aux femmes, mais aussi aux enfants. On sait qu'il y a un lien extrêmement fort entre les violences que subissent les enfants et le risque d'être victime, ensuite, pour les filles en tant que femmes, et auteur de violences pour les garçons en tant qu'homme. Donc il ne faut laisser aucun enfant, aucune femme, victime de violences. Pour ça, il faut poser systématiquement la question, il ne faut pas attendre que les victimes portent plainte, parlent, il faut aller au-devant d'elles, parce qu'elles sont sous emprise, elles sont sous menace. Il y a une loi du silence, un déni, donc il faut vraiment que toute la société, particulièrement les professionnels, s'engage pour lutter contre ces violences.
D'où, dans le dernier plan, la formation des médecins, des pompiers, des policiers, pour repérer ces violences...
Oui, et, là aussi, il y a des référents, maintenant, au niveau de tous les hôpitaux, pour les violences faites aux femmes. Depuis le premier plan de lutte contre les violences faites aux enfants, en mars 2017, il y a des référents pour les enfants, peut-être que les choses vont bouger.
Est-ce que le téléphone "grand danger" qui est confié aux femmes qui risquent d'être tuées par leur conjoint est efficace et suffisamment développé aujourd'hui ?
Il y a autour de 600 téléphones distribués dans toute la France. Ce téléphone peut sauver quelques vies, mais il n'est pas du tout suffisant, c'est un élément. Et puis c'est une forme d'échec : ça veut dire que les femmes ont besoin d'un téléphone pour se protéger, et que, du coup, les auteurs, leur conjoint ou ex-conjoint ou le pouvoir d'exercer des violences contre elles. On arrive très en retard par rapport à une situation qu'on aurait déjà dû prendre en charge bien en amont.
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