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Vidéo "Une jeune maman, ça ne le fait pas", "Un Européen, c'est blanc"... Comment réagissent les chasseurs de tête face à des propos discriminants ?

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Durée de la vidéo : 2 min
Pièces à conviction. "Une jeune maman, ça ne le fait pas", "Un Européen, c'est blanc"... Comment réagissent les chasseurs de tête face à des propos discriminants ?
Pièces à conviction. "Une jeune maman, ça ne le fait pas", "Un Européen, c'est blanc"... Comment réagissent les chasseurs de tête face à des propos discriminants ? Pièces à conviction. "Une jeune maman, ça ne le fait pas", "Un Européen, c'est blanc"... Comment réagissent les chasseurs de tête face à des propos discriminants ? (PIÈCES A CONVICTION / FRANCE 3)
Article rédigé par France 3
France Télévisions

La discrimination est interdite en France, et punie par la loi, mais dans le monde du travail, les pratiques discriminatoires existent-elles encore ? L'ancien DRH Didier Bille a imaginé un stratagème pour tester, en caméra cachée, plusieurs cabinets de recrutement… Extrait d'une enquête à voir le 2 octobre 2019 sur France 3.

La discrimination au travail est interdite en France, passible de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Elle peut donc coûter cher aux employeurs… Mais dans le monde du travail, les pratiques discriminatoires existent-elles encore ? Il est difficile de filmer ce qui se passe derrière les murs des entreprises, c'est pourquoi Didier Bille, un ancien directeur des ressources humaines "repenti", auteur de DRH, la machine à broyer (éd. Le Cherche midi), a imaginé un stratagème pour tester les pratiques de plusieurs cabinets de recrutement.

Il propose que "Pièces à conviction" filme, en caméra cachée, son expérience pendant une journée. Son scénario est le suivant : une société chinoise qui s'implante en France cherche à embaucher trois cadres supérieurs. "L'objectif est de convoquer les cabinets et de leur proposer les trois recrutements, et dans le dialogue, de préciser que nous ne souhaitons pas avoir certaines typologies d'individus dans les personnes qu'ils nous proposeront" , explique-t-il.

Didier Bille donne donc rendez-vous à cinq cabinets de recrutement. Le prétendu chef d'entreprise à la recherche de collaborateurs est entouré de deux comédiennes : une qui interprète la directrice générale venue des Etats-Unis, l'autre qui endosse le rôle d'assistante. Lors des entretiens, Didier Bille va demander aux recruteurs de pratiquer de la discrimination. Quelle sera leur réaction ?

"Pas de jeune maman"

Arrive le jour J. Cinq cabinets de recrutement vont défiler dans le bureau où sont dissimulées plusieurs caméras. A chaque fois, l'entretien commence par une présentation de l'entreprise fictive et de ses métiers. Puis une fois la confiance installée, la première condition est posée. "Nous demandons à chacun des postes de passer un certain temps en Chine, cela va de six semaines pour les ressources humaines jusqu'à six mois pour le directeur de production, annonce "l'assistante". Ce qui veut dire, à mon sens, qu'une jeune maman…" "Ça ne le fait pas", complète l'un des chasseurs de têtes. Ce discours reflète très clairement une discrimination envers les femmes. Une pratique illégale. Mais aucun des représentants des cabinets de recrutement ne proteste face à cette demande.

"Pas de candidat issu de la diversité"

Mais il ne s'agit pas de la seule exigence des "recruteurs" : "Vous avez parlé de candidats internationaux… Je me permets de dire quelque chose… Pour nos collègues chinois, un Européen, c'est blanc." "D'accord", acquiesce l'une des représentantes d'un cabinet de recrutement. "Nous ne voulons pas de profil atypique, pas de candidat issu de la diversité" appuie Didier Bille. "On ne le note pas, mais on l'entend !" répond l'un des chasseurs de têtes, qui semble bien connaître les règles du jeu imposant de ne laisser aucune trace écrite de ce type de demande. "Nos exigences font qu'on va éliminer certains types d'individus dans la short-list." "Cela ne simplifie pas les choses, mais on comprend bien, rétorque un recruteur. It's a deal, c'est clair." 

Des demandes illégales… mais qui ne semblent pas surprendre

"Le plus étonnant, c'est qu'ils ne sont pas surpris, s'insurge Didier Bille. Aucun n'est tombé de sa chaise. Pas l'ombre d'une hésitation." Le plus petit des cabinets est aussi le plus zélé. "Pour être très à l'aise, moi, il n'y a pas de jugement par rapport à ça. Je suis très respectueux des différentes cultures du monde. Je ne suis pas du tout 'pensée unique', vous êtes le client, vous avez des exigences et des demandes… alors, soit on a des principes chevillés au corps, et du coup, je vous dis au revoir, mais ce n'est pas le cas ! C'est l'intelligence du business aujourd'hui, et on est très orienté business, et encore une fois, c'est dans le respect des cultures… On ne va pas faire une croisade"… Pourtant, ce que lui a demandé le "client" est illégal…

Extrait de "Qu'est-ce qu'elle a ma gueule ? Enquête sur la discrimination au travail" diffusée dans "Pièces à conviction" le 2 octobre 2019.

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