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"C'était totalement disproportionné" : des manifestantes dénoncent la violente intervention policière lors d'une marche féministe samedi à Paris

Les réseaux sociaux ont relayé, samedi 7 mars, des images de charges des forces de l'ordre et de femmes violemment traînées dans le métro à l'issue d'une manifestation féministe qui, de l'aveu même de la préfecture de police, s'était "déroulée dans le calme". 

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Une marche féministe, le 7 mars 2020, à Paris. (NOEMIE COISSAC / HANS LUCAS / AFP)

Des rues bloquées, des charges des forces de l'ordre et des femmes traînées de force dans le métro parisien… A la veille du dimanche 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, les images de l'intervention violente des policiers, à l'issue d'une marche féministe pacifique à Paris, font désordre. 

Et elles ont fait le tour des réseaux sociaux, au point que la secrétaire d'Etat à l'Egalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, s'en est émue. "Toutes les femmes doivent pouvoir manifester pacifiquement pour faire respecter leurs droits !", a-t-elle tweeté dimanche, avant d'affirmer que le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, avait demandé "un rapport sur ce qui s'est passé en marge de la marche féministe" à Paris, samedi.

La maire de Paris, Anne Hidalgo, s'est elle aussi dite "choquée" par ces images. 

"C'était très joyeux" 

"En marge" ? Ces mots de Marlène Schiappa ne vont pas dans le sens des témoignages recueillis par franceinfo, qui font plutôt état d'un déploiement "disproportionné" de forces de police à l'arrivée de la manifestation. Déclarée, la marche était partie dans une ambiance "joyeuse" de la place des Fêtes, dans le 19e arrondissement. "Il y avait de la musique, des femmes avec des tambours, dans une ambiance très joyeuse, avec des jeunes et des gens qui ne vont pas forcément beaucoup en manifestation", témoigne Marceline Samion, étudiante de 18 ans en première année de Sciences Po.

"On jouait des tambours dans un groupe de musique, ça dansait autour, on mettait de l'ambiance et ça marchait bien", lui fait écho Marie, qui appartient au groupe militant Guarichas cosmikas, "collectif politique de batucada [percussions brésiliennes] lesbo-trans-féministe".

"Nasse à Répu !”

En arrivant vers 22h30-22h45 aux abords de la place de la République, Marceline Samion s'étonne du dispositif policier déployé. "Une manifestante remonte la rue du cortège, où je me trouve, pour crier : 'nasse à Répu !' Les manifestantes étaient immobilisées, bloquées par la police place de la République. Je monte sur une poubelle pour filmer la scène."

Elle se sent alors enfermée. "Les policiers forment un barrage, un premier mur, explique-t-elle. Une rue perpendiculaire permettant de quitter la manifestation en tournant à gauche est bloquée par un mur de CRS avec des boucliers. Des fourgons arrivent pour nous encercler. C'était totalement disproportionné. Ils commencent à bloquer une petite rue à droite. On aura juste le temps de sortir par là avant, mais ça nous oblige à repartir en arrière, vers la gare de l'Est."

"Mademoiselle, elle est à qui, la rue ?"

Vers 23 heures, la journaliste Hélène Molinari, qui a participé à la manifestation avant de la quitter, se rend place de la République. "On arrive rue du Faubourg-du-Temple. Je vois des cordons de police, des policiers partout, les flics qui chargent, et des arrestations en cours, avec trois femmes arrêtées sur une rue parallèle à République", raconte-t-elle.

Au moment où je passe, un policier assez jeune se retourne et il me dit : 'Mademoiselle, elle est à qui, la rue ?' Je suis partie, choquée. Ils savaient qu'on ne pouvait pas répondre.

Hélène Molinari, journaliste et manifestante

à franceinfo

De son côté, Marie constate "l'ambiance de plus en plus électrique" lorsque le cortège se rapproche de la place de la République. "On a vu les flics commencer à balancer des lacrymos et on est rentrées dans un bar pour se protéger. Les filles étaient encerclées à l'intérieur place de la République, c'étaient que des meufs. On les entendait chanter : "police, violeurs, assassins !" Le journaliste Rémy Buisine a filmé cette séquence : 

De nombreuses images montrent ensuite l'évacuation musclée des femmes par la police dans le métro, dont celle-ci, signée @HZ_Press, et tweetée par David Dufresne, journaliste indépendant qui recense les violences policières :

"Et bonne journée des droits des femmes", commente ironiquement une étudiante, Constance, qui poste également sur Twitter une vidéo montrant la façon dont les policiers repoussent les femmes dans le métro manu militari.

La manif est arrivée trop "tard", selon la préfecture 

Interrogée, la préfecture de police dit avoir procédé à neuf interpellations (une pour "jet de projectile", les autres pour "outrage et rébellion" ou encore "participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences"). "Sept personnes ont été placées en garde à vue et deux font l'objet d'une convocation en justice", précise le communiqué de la préfecture, qui reconnaît, par ailleurs, que cette manifestation, déclarée, de plusieurs milliers de personnes s'est  pour l'essentiel "déroulée dans le calme". "Mais les manifestantes sont arrivées très tard place de la République par rapport à l'heure prévue et ont refusé de se disperser", argumente la préfecture.

D'après les témoignages, le dispositif de nasse rendait cependant difficile cette dispersion. Encore choquée du nombre de fourgons de police et d'unités de motos utilisés pour une manifestation pacifique, Marceline Samion n'en revient pas : "La seule violence était verbale, elle a consisté à crier 'toutes les femmes détestent la police'. Cela ne justifie pas de traîner des femmes par terre. Ça n'a pas de sens de montrer tant de violence face à des femmes qui réclament leurs droits."

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