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Vidéo Drogue aux Philippines : la croisade meurtrière du président Rodrigo Duterte

Publié
Temps de lecture : 3min
Article rédigé par franceinfo - Eric Biegala
Radio France

La guerre à la drogue déclarée par le président des Philippines a tourné au carnage, de l'aveu même de Rodrigo Duterte.

Au détour d'un discours public la semaine dernière, Rodrigo Duterte, le fantasque président des Philippines, l'a confessé : le seul pêché qu'il se reconnaît ? Les meurtres extrajudiciaires consécutifs à sa "guerre à la drogue". Des milliers de victimes, souvent de simples consommateurs de shabu (la méthamphétamine locale), impitoyablement tués par balles depuis deux ans et demi. Une confession publique qui ressemble à une véritable aubaine pour les procureurs de la Cour pénale internationale (CPI), laquelle a lancé une enquête préliminaire contre Duterte et sa "guerre à la drogue" au début de l'année.

Pendant ce temps, dans les rues de Manille, cette croisade meurtrière se poursuit.

Des patrouilleurs de nuit pour alerter sur les meurtres

On les appelle les "night rollers", ou patrouilleurs de nuit : un groupe de photographes de presse qui depuis le début du règne de Duterte documentent les meurtres qui s'enchaînent depuis deux ans et demi. Rafi est l'un des plus anciens. "Je travaillais pour un grand quotidien et ils ont bien vu que le sujet était important. On savait que beaucoup de monde allait être tué... Duterte l'avait promis !"

Ce soir-là, les night rollers rejoignent une veillée funèbre, celle de Rolando Mejica retrouvé mort tué par balles il y a quelques  jours. Le corps de Rolando repose dans son cercueil blanc, flanqué de quelques bougies, dans la cour du garage familial, veillé par ses proches. D'après la police Rolando Mejica était un gros trafiquant et il a été tué à l'occasion d'un échange de tir. Aïseli, la cousine de Rolando, ne croit pas une minute à la version policière : "C'est un meurtre ! Une exécution ! Et c'est dur, après, d'entendre dire que c'était un trafiquant. Mon cousin prenait de la drogue, c'est vrai, mais ce n'était qu'un consommateur."

Le discours de la police remis en cause par les images

Vincent, l'un des night rollers, est l'un des premiers à être arrivé sur le lieu de la découverte du corps de Rolando. Il montre ses images : "La police a expliqué qu'il y avait eu un échange de tir. Mais les armes étaient dans un sac à dos. On les voit sur la vidéo sortir les armes du sac. C'est pour ça qu'on se demande comment ils peuvent affirmer qu'il y a eu une fusillade."

Des images de personnes tuées par balles dans la rue, Vincent a en pris des dizaines, des centaines... parfois très précises comme cette photo d'un homme étranglé qui a deux impacts de balles à l'arrière de la tête. "Il l'ont achevé", commente Vincent. 

On ne publie jamais ces images. Mais un jour ou l'autre, ça servira à identifier les responsables.

Un patrouilleur de nuit

à franceinfo

Et les responsables sont, selon les patrouilleurs de nuit, des officiers de police. Depuis le printemps 2016, 23 000 Philippins ont été tués par balle dans les rues de Manille. 5 000 soi-disant trafiquants ont été abattus dans les "échanges" avec la police. Pour le moment, la "guerre à la drogue" de Duterte a fait davantage de victimes que la guerre au Yémen.

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