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Évacuation des consommateurs de crack vers la Porte de la Villette : les politiques "déplacent le problème pour s'en laver les mains", déplorent des riverains

Près de 200 policiers ont procédé vendredi à l'évacuation d'une cinquantaine de consommateurs de crack des jardins d’Éole, dans le 18e arrondissement de Paris, vers un terrain près d'Aubervilliers, provoquant soulagement et colère des riverains de part et d'autre du périphérique.

Article rédigé par Valentin Dunate
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des toxicomanes du secteur des jardins d'Eole, haut lieu de consommation de crack à Paris, évacués par la police vendredi 24 septembre, son regroupés dans un square, porte de la Villette (ci-contre), à quelques encablures du périphérique. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

Les riverains des jardins d'Éole, dans le 18e arrondissement de Paris, sont nombreux à assister à l'évacuation, vendredi 24 septembre, de la cinquantaine de toxicomanes qui avaient établi leur campement de fortune en bordure nord du parc, au coin des rues Riquet et d'Aubervilliers. Pour les habitants, c'est la fin d'un cauchemar qui a duré plusieurs mois. Ils décrivent la saleté, les agressions. "J'ai deux petites filles, une de 17 ans, une de 21 ans. Je ne les vois plus depuis trois mois parce qu'elle ne veulent plus venir ici, elles ont peur", confie Gisèle qui habite rue d'Aubervilliers. Après l'opération d'évacuation menée par la police dans la matinée, elle se dit "énormément" soulagée. "Ce soir, j'invite mes amis et on prend le champagne. Parce que vraiment, là, il faut fêter ça", dit-elle.

Je ne veux pas être égoïste, je sais qu'on va les déplacer d'un côté pour les mettre d'un autre. Ce n'est pas une solution, mais nous, on va respirer.

Gisèle, riveraine des jardins d'Éole

à franceinfo

Cette habitante résume parfaitement la situation : le problème est déplacé, et c’est aussi ce que déplore le premier adjoint à la maire de Paris, Emmanuel Grégoire qui aurait préféré qu’un accompagnement médico-social soit proposé aux toxicomanes. "D'un côté, c'est un soulagement pour ce quartier qui a trop longtemps souffert et nous ne pouvons que nous réjouir que les riverains retrouvent un peu de sérénité. Mais de l'autre, nous ne pouvons pas non plus accepter que dans un autre quartier de Paris, une même scène de consommation à ciel ouvert s'installe", explique-t-il. 

Aubervilliers hérite du problème

Et c’est pourtant ce qui est en train de se passer à un peu plus d’un kilomètre de là, dans un square situé Porte de la Villette, derrière le périphérique. Le préfet de police de Paris indique que les usagers de drogue ont été évacués dans un "secteur sans riverains aux abords immédiats", mais les habitations ne sont en réalité qu’à 50 mètres, et les plus proches sont les habitants d’Aubervilliers. "Hidalgo, Darmanin, Macron, ils déplacent les choses pour s'en laver les mains, dénonce Marie. Et attendant, ce sont les riverains qui subissent. Tout ce qu'ils vont arriver à faire, c'est de remonter les gens et les riverains vont faire des milices. Et là ça va très mal finir parce qu'à Aubervilliers, on n'en veut pas du tout !", s'emporte-t-elle.

La présence des consommateurs de crack inquiète également Anthony qui vit dans le quartier avec sa femme et son fils. Mais ce jeune père de 28 ans refuse de les blâmer : "Ils sont malades et on les transfère de spot en spot pour juste déplacer le problème, alors qu'en fait, le souci c'est de les accompagner, les aider."

Les centres d'accueil se font attendre

Une aide que les toxicomanes eux-mêmes estiment primordiale et urgente : "Beaucoup de crackeux n'ont même plus de libre arbitre", décrit Inas, 24 ans. Elle consomme cette drogue depuis ses 18 ans et estime que "certains devraient être hospitalisés sous tiers. Parce que quand vous en arrivez à marcher nu-pieds, à chercher par terre, à parler tout seul, à délirer, à agresser un bébé, c'est que vraiment, vous êtes dans une démence."

Je pense que c'est l'État qui doit prendre en charge ces personnes-là.

Inas, consommatrice de crack

à franceinfo

Mais l'État et la mairie de Paris se renvoient la responsabilité depuis plusieurs années. La municipalité s'était notamment engagée à ouvrir des centres médico-sociaux pour les usagers du crack avant l'automne mais après des mois d'impasse, le Premier ministre n'a finalement donné son accord qu'il y a dix jours. La préfecture de police de Paris précise d'ailleurs que ce déplacement des consommateurs des jardins d'Éole est temporaire et indique qu'il a été décidé "dans l’attente de la mise en place concrète de salles d’accueil par la mairie de Paris."  

Evacuation des toxicomanes des jardins d'Eole vers la Porte de la Villette - Le reportage de Valentin Dunate

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