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Disputes, dissensions et diffamation autour de Nuit debout

Alors qu'ils occupent la place de la République à Paris depuis bientôt un mois, les militants de Nuit debout cherchent désormais à donner un nouvel élan à leur mouvement. Mais depuis quelques jours, deux courants s’opposent fortement sur la suite à donner à la mobilisation, et ce jusque sur le terrain judiciaire.
Article rédigé par Matthieu Mondoloni
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (Des militants de Nuit Debout place de la République. © Nathanaël Charbonnier / France Info)

Insultes, accusations, diffamation. Deux camps s’opposent aujourd’hui au sein de Nuit debout. Deux visions politiques et une question au cœur des débats : Nuit debout est-il un mouvement ouvert à tous ?

Au coeur de cette querelle, notamment, on trouve la gestion du site internet et des réseaux sociaux du mouvement. Ce qui pourrait sembler anecdotique ne l’est pas du tout. Nuit debout, c’est quelques centaines de personne chaque soir place de la République, mais c’est surtout plus de 160.000 abonnés à la page Facebook ou . C’est toute une communauté qui s’est fédérée et se fédère encore autour des réseaux sociaux. Un puissant outil de mobilisation qui relaye les événements, les ateliers ou les AG qui se tiennent depuis la fin du mois de mars. Un outil que se disputent aujourd’hui deux camps.

D’un côté, le Media Center de Nuit debout, composé d’une quinzaine de personnes, qui se charge de poster sur les réseaux sociaux ou d’administrer le site internet. De l’autre, des militants du collectif Convergence des luttes. L’un d’eux a dénoncé, récemment lors d’une assemblée générale, une véritable entreprise de récupération avec une société qui se ferait de l’argent sur le dos du mouvement. La vidéo de sa prise de parole a été vue près de 12.000 fois en quelques jours.

“Ces gens-là”, ce sont les employés et le fondateur de la société Raiz, une petite start-up aux modestes locaux nichés dans le sous-sol d’un immeuble du 12e arrondissement à Paris. Elle emploie quatre personnes, dont une seul à temps plein, explique son fondateur et dirigeant, Baki Youssoufou, 37 ans. Depuis plusieurs jours, il est la cible des critiques les plus dures, accusé notamment de gagner de l'argent avec le site Nuitdebout.fr, et son numéro de téléphone et son adresse ont été publiés sur Internet. Depuis, il raconte les coups de fils anonymes, les insultes de la part de certains militants.

"Je ne peux pas accepter ces méthodes ", explique Baki Youssoufou. "J'ai décidé de porter plainte. Pas contre le mouvement ou un collectif, mais contre ceux qui ont fait fuité mon numéro de téléphone et ceux qui me diffament. Je suis cité nommément dans cette vidéo qui tourne dans laquelle on m'accuse de gagner de l'argent. Vous pensez vraiment que je peux gagner de l'argent avec un site politique et engagé ??? Si j'ai acheté le nom de domaine Nuitdebout.fr, c'est simplement pour éviter que d'autres, mal-intentionnés, ne le fassent ", se justifie celui qui se décrit comme un militant et un web-activiste de la première heure.

  (Baki Youssoufou dans les locaux de sa société, Raiz. © Matthieu Mondoloni / France Info)

Deux visions politiques

Pour lui, ces attaques sont un prétexte. Leurs vraies raisons sont politiques, poursuit Baki Youssoufou. Derrière cette querelle sur le contrôle des réseaux sociaux se cache un autre enjeu. Celui de l'avenir à donner au mouvement.

Car il y a en fait aujourd’hui deux visions de Nuit Debout qui s’affrontent, deux camps qui ne partagent pas les mêmes buts. Le premier, auquel appartiennent Baki Youssoufou et les membres du Media Center, prône une vision ouverte, non partisane, du mouvement. Tout le monde doit pouvoir venir écouter, discuter, débattre place de la République. Le second se veut plus politisé. C’est la ligne défendue par l’économiste Frédéric Lordon, l’une des figures emblématiques de Nuit Debout. Le 20 avril dernier, il a pris la parole lors d’une réunion pour donner sa vision du mouvement.

Tout le monde n'est pas le bienvenu à Nuit Debout. Une allusion notamment à la venue de Alain Finkielkraut qui avait été chassé de la place de la République il y a une quinzaine de jours. Entre ces deux camps, la rupture est réelle. Les insultes fusent, les débats sont tendus. Avec leur idée d’ouvrir le plus possible le mouvement, grâce notamment aux réseaux sociaux, les membres du Media Center sont accusés de faire entrer les loups dans la bergerie. Les loups, ce sont les militants d’extrême droite, des “crypto-fascistes”, des "rouges-bruns", des sympathisants de Dieudonné ou d’Alain Soral. Eux se défendent en parlant d’animation citoyenne.

"Deux jambes, un seul mouvement"

Leila Chaibi, membre du Parti de Gauche, préfère elle tempérer les propos des uns et des autres. Et surtout recentrer le débat. "Ces débats et ces divergences de points de vue sont sains , explique celle qui fait parti des premiers à avoir lancé Nuit Debout. Ce sont en fait les deux jambes d'un même mouvement. L'important, c'est de réfléchir ensemble à la suite, à ce que l'on fera demain. Et de ne pas oublier notre premier objectif : le retrait du projet de loi Travail. Après, l'appétit viendra en mangeant. D'autres combats suivront. "

Les deux jambes de ce mouvement sont au moins d’accord sur un point : Nuit Debout ne doit pas s’inscrire dans le calendrier électoral. Pas de parti, pas de candidats en 2017, disent-ils. L'important aujourd'hui, c'est de faire converger les luttes, de se rassembler et de s'unir.

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