Envoi de troupes au sol en Ukraine : "Le Président ne dit rien au hasard", estime François Lecointre, ancien chef d'état-major des armées
"Le Président ne dit rien au hasard", estime lundi 6 mai sur franceinfo, l'ancien chef d'état-major des armées, François Lecointre. Selon lui, les propos réaffirmés par Emmanuel Macron sur l'envoi possible de troupes au sol en Ukraine participent à une volonté "d'éveiller les consciences", alors que "l'Europe s'est enfermée dans une bulle virtuelle, dans laquelle elle ne voulait pas regarder les conflits qui continuent à se dérouler partout dans le monde". "On se flatte d'être capable de dire que nous allons délibérément renoncer à la guerre, sauf qu'en réalité, ce n'est pas nous qui choisissons. La guerre est un phénomène qui est profondément lié à l'homme, à la violence que l'homme a au cœur, et à la vie des relations internationales", explique-t-il.
Une vision née en Europe, au lendemain des deux conflits mondiaux. À travers la construction européenne, le continent a souhaité "établir un modèle d'élaboration politique très différent, qui nous exonérerait de la guerre". L'Europe a donc construit cette philosophie où "l'on considère que la guerre est la pire des barbaries, et donc on veut absolument l'effacer, la délégitimer entièrement, la nier". Le Général Lecointre n'est d'ailleurs "pas sûr" que cette bulle a explosé aujourd'hui, malgré le retour de la guerre sur le continent, avec l'agression de l'Ukraine par la Russie, puisque les guerres des Balkans dans les années 1990 n'ont pas non plus eu cet effet. Une position qui n'est cependant pas propre à l'Occident dans son ensemble puisque, selon l'ancien chef des armées, "les États-Unis, eux, continuaient à se préparer à la guerre, à avoir une vision des relations internationales fondée sur les rapports de force".
"Le rôle des dirigeants est d'être capable d'éveiller les consciences"
Il voit donc une stratégie dans les propos d'Emmanuel Macron sur l'envoi possible de troupes au sol en Ukraine, formulés fin février et réaffirmés en fin de semaine dernière dans le journal anglais The Economist, et les journaux français La Provence et la Tribune du dimanche. "Le président de la République ne dit rien au hasard", déclare l'ancien chef des armées, "dans son message, il y a plusieurs cibles, il y a la cible internationale : il s'adresse à la Russie et à nos partenaires européens. Mais ça s'adresse également à notre opinion publique, et je pense que dans les démocraties, le rôle des dirigeants est d'être capable d'éveiller les consciences".
Il voit donc dans la position d'Emmanuel Macron une "prise de conscience" de la réalité de la guerre, avec un "effort de défense qui a été relancé depuis sa dernière prise de fonction". Interrogé sur la possibilité d'une réplique française, nucléaire notamment, à la guerre en Ukraine, le général rappelle que "la doctrine de la dissuasion nucléaire française s'élabore à travers les déclarations publiques des présidents de la République successifs, et donc effectivement, chaque discours d'un président doit être analysé".
En matière nucléaire, il est possible d'intervenir si les intérêts vitaux de la France sont menacés, mais le flou demeure autour de cette notion, et pour une bonne raison, pointe-t-il, "la France a toujours refusé de définir de façon trop précise ce qu'étaient ses intérêts vitaux, car c'est le principe de la ligne rouge. Si vous la définissez précisément, vous vous contraignez à une perte de liberté d'action le jour où cette ligne rouge est franchie ou, au contraire, vous autorisez l'ennemi à aller jusqu'à l'extrême proximité de cette ligne rouge et à avoir toute liberté d'action". Il résume donc, "on est dans des relations internationales avec un vocabulaire et une grammaire qui n'interdisent pas que les déclarations publiques puissent être utilisées pour choquer, pour surprendre, pour étonner et pour provoquer des réactions".
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