: Vidéo 80 ans de la rafle du Vel d'Hiv : "L'antisémitisme sait prendre les habits du moment pour que son discours se diffuse dans la société", estime le président du Crif
Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France dénonce sur franceinfo lundi l'arrivée à l'Assemblée nationale de 89 députés du Rassemblement national, pointant également le "bloc France insoumise", qui "pose problème politiquement".
"L'antisémitisme sait prendre les habits du moment pour que son discours se diffuse dans la société", a déclaré lundi 18 juillet sur franceinfo Yonathan Arfi, le nouveau président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), après les commémorations ce weekend des 80 ans de la rafle du Vel d'Hiv.
franceinfo : Ce weekend marquait les 80 ans de la rafle du Vel d'Hiv. Avez-vous l'impression que la mémoire du Vel d'Hiv a bien été transmise ?
Yonathan Arfi : C'est très paradoxal. Effectivement, l'histoire a été transmise. Elle est enseignée dans les écoles. Il y a des générations qui l'ont apprise et en même temps, nous avons vu ressurgir ces derniers mois dans le débat public une remise en question, une contestation de cette histoire de la Shoah. Je crois que c'était important qu'à l'occasion de ses 80 ans, sur tous les plans, sur le plan politique, mais aussi sur le plan culturel dans la société, soit réaffirmé ce qu'a été la responsabilité de la France, notamment dans la déportation des Juifs pendant la Shoah.
Cet héritage a été remis en question le temps de la présidentielle, où nous avons vu la tentative de réhabilitation de Pétain ressurgir dans le discours d’Éric Zemmour. Cela a été repris par un certain nombre de commentateurs. Nous avons le sentiment qu'en permanence, il y a des gens qui contestent l'idée que ce soit sain de regarder son histoire en face. Je pense précisément le contraire. Lorsque Jacques Chirac a reconnu la responsabilité de la France en 1995, cela a été un moment important. C'est précisément ce qui, aujourd'hui, doit se poursuivre pour qu'on puisse tout simplement faire œuvre utile, c'est-à-dire que cette mémoire de la Shoah puisse servir dans la société d'aujourd'hui.
Emmanuel Macron explique que l'antisémitisme est en progression depuis quasiment trente ans ? Vous êtes d'accord ?
Oui, c'est une réalité. Au début des années 2000 a ressurgi une vague d'antisémitisme en France qui a émergé notamment en parallèle de la seconde Intifada au Proche-Orient. Nous avons vu, à partir du début des années 2000, des jeunes juifs se faire agresser parce qu'ils étaient identifiés comme tels. Nous avons vu un antisémitisme développer de nouveaux visages. Je pense évidemment à la question de l'islamisme. Un antisémitisme a pu également s'exprimer dans certains quartiers populaires où ‘le juif’ a été pris pour cible parce qu'il est perçu comme la figure de l'establishment et du système qui opprimerait. Bien sûr, il reste le fond traditionnel d'antisémitisme historique.
Et puis, ces dernières années, ce qui est monté en puissance, qui m'a beaucoup frappé, ce sont les discours complotistes. Nous avons retrouvé un antisémitisme complotiste, par exemple, au moment de la manifestation contre le pass sanitaire. Nous avons retrouvé également ça lors du mouvement des gilets jaunes. Vous voyez que l'antisémitisme a toujours eu plusieurs visages et qu'il change avec le temps. Il sait prendre les habits du moment pour que son discours se diffuse dans la société.
Ce weekend, la présidente du groupe la France insoumise à l'Assemblée nationale, Mathilde Panot, a appelé à ne pas oublier les crimes des collaborationnistes du régime de Vichy. Aujourd'hui, plus que jamais, précisait-elle, avec un président de la République qui rend honneur à Pétain. Que vous inspire son message ?
Les raccourcis et les comparaisons historiques fausses sont dangereuses. Moi, ce qui m'importe, c'est de rappeler que la mémoire de la Shoah ne peut supporter aucune instrumentalisation, aucune récupération. Donc, effectivement, un tweet de ce type ne sert pas la mémoire de la Shoah et me paraît déplacé. Je crois que ce dimanche, le discours d'Emmanuel Macron a apporté une réponse claire. Il n'y a pas de doute aujourd'hui sur ce qu'est la position officielle de la France. C'est tant mieux. Je ne suis pas dans la tête du président de la République. Ce qui m'importe, c'est qu'il ait, en tant que président de la République, au nom de la France, refixé très clairement la ligne, à savoir que l'Etat français était responsable et la France à travers l'Etat français, responsable.
Quatre-vingt-neuf députés du Rassemblement national ont été élus à l'Assemblée nationale en juin dernier. Qu'en pensez-vous ?
Aujourd'hui, nous avons 89 députés du Rassemblement national. Nous avons un bloc autour de la France insoumise qui est aussi extrêmement important. Pour les juifs de France, ce sont vraiment deux blocs qui sont problématiques pour des raisons différentes. Leurs histoires sont différentes mais aujourd'hui, ils nous posent problème sur le plan politique, y compris le bloc France insoumise. Il y a eu au sein de la France insoumise, on l'a vu, une tendance que j'appelle la tendance "Corbyn". On ne peut pas parader dans Paris avec Jeremy Corbyn, accusé de complaisance avec l'antisémitisme et de l'autre côté, s'afficher soi-même dans la lutte contre l'antisémitisme. J'invite ceux qui, d'un coup, veulent s'afficher sur ces questions à d'abord dénoncer l'antisémitisme venu de leur camp, quel que soit le lieu d'où il s'exprime.
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