Personnels de santé au bord de la crise de nerfs
Sur le forum où il témoigne, il appelle cela le syndrome du “médecin hamster” : “Tels les petits animaux pédalant dans leur cage et ne s’arrêtant qu’une fois morts d’épuisement, les médecins hamsters travaillent du matin au soir, sans jamais se poser une seule question sur leur pratique ou sur leur existence, ils (...) suspectent leur situation personnelle et professionnelle de n’être pas tout à fait à hauteur de leurs espérances, mais qu’importe...”. Parrhasius, c'est le pseudo qu'il s'est choisi sur le site La souffrance du soignant mis en place en 2008, propose une sorte de typologie des médecins.
Lui affirme avoir pris de la distance. D'autres n'en sont pas là. Myronbolitar par exemple : “40 ans, épuisée, je démarre la journée grâce aux psychostimulants avec des états anxieux sévères, le soir j'ai pris l'habitude de boire une bière pour "souffler" puis je me déconnecte en lisant des tonnes de bouquins devant des séries TV américaines jusque tard dans la nuit. Je me déconnecte de la vie réelle avec ma famille que je néglige, je me donne à fond au travail et même beaucoup trop. L'avenir me fait très peur”.
Burn out
Des messages comme ça, il y en a des pages : un interne qui appelle à l'aide, une aide soignante qui sent venir le “burn out”, le nom désormais répandu de l'épuisement professionnel. Ils décrivent le quotidien du médecin, ou du soignant, mis en pièces par des horaires qui font imploser les vies de famille, se sentant déconsidérés, tant par les patients, qui ont de plus en plus recours à la justice, que par l'administration, de plus en plus tatillonne et intrusive. Ils sont soumis sans filet à des situations stressantes et ils ont l'impression de mal faire ce travail qui est pour eux un engagement. Les médecins de ville doivent aussi faire face à une accumulation de rendez-vous difficile à refuser. Selon une étude du groupe Pasteur mutualité, 86% des soignants estiment qu'ils auraient besoin d'une aide pour surmonter leur quotidien, et tenter de trouver leur équilibre.
“La fin du burn out, c'est comment ?”, demande Reflex sur le forum. Un jeune médecin urgentiste de Rouen a donné mardi dernier une sombre réponse à cette question. Trois-quart d'heure après la fin d'une garde difficile, il s'est jeté du 11ème étage de son immeuble. Le procureur de la République a confirmé qu'il avait laissé un courrier dans lequel il évoque sa vie à l'hôpital. La semaine dernière, un infirmier de Roubaix se pendait. Le risque de suicide est plus élevé chez les médecins que dans l'ensemble de la population. Et il existe d'autres risques : samedi dernier, un médecin de Montpellier se tuait dans un accident de moto, après sa garde.
Suppressions de postes
L'Association des médecins urgentistes alerte depuis longtemps sur l'épuisement qui gagne les équipes. Elle a demandé hier un rendez-vous au ministre de la Santé, Xavier Bertrand pour tenter de sortir de la spirale du malaise médical. Les professionnels demandent une prise en charge psychologique des équipes qui soit permanente, et non plus seulement au coup par coup, lorsqu'un drame se produit. Ils souhaitaient surtout parler du contexte, qui met la pression sur les équipes : réductions d'effectifs dans les hôpitaux (10.000 postes en moins en 2009), avec comme corolaire, un emballement des horaires, des interventions de plus en plus lourdes de l'administration dans les choix de traitement. “La blouse blanche n'est pas un gilet de protection”, rappelle le Dr Patrick Pelloux, le porte-parole de l'association des médecins urgentistes, pas plus que les blouses roses, vertes, ou la mallette du médecin généraliste.
Grégoire Lecalot
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