Sonde sur Mars, astronautes sur la Lune... Pourquoi la Chine tient tant à remporter la course à l'espace
Mercredi 10 février, la sonde Tianwen-1 est arrivée dans l'orbite de Mars. Une nouvelle étape dans la conquête spatiale chinoise, analysée sur The Conversation.
Tous les yeux rivés vers les étoiles. La mission Perseverance de la Nasa a atterri sur la Planète rouge, jeudi 18 février. Elle est la troisième à arriver sur Mars en une semaine, avec celle des Emirats arabes unis et de la Chine. Le 10 février, la sonde Tianwen-1 est ainsi arrivée dans l'orbite de la planète. Elle devrait déposer, au printemps, un robot téléguidé à roues sur le sol martien. Une mission qui permettra à Pékin de poursuivre ses ambitions en matière de conquête spatiale, entamée sous Mao il y a soixante ans. Le pays "rêve d'espace", selon les mots du président chinois Xi Jinping. Pour The Conversation, Steffi Paladini, de l'université de Birmingham, décrypte ces velléités.
Au vu de ses réalisations au cours de la dernière décennie, il est tout à fait logique que la Chine cherche à gagner la nouvelle course à l'espace. Non seulement a-t-elle été le seul pays à envoyer une sonde sur la Lune au cours des quelque quarante dernières années – et le premier de toute l'histoire à réussir un alunissage sur sa face cachée, mais elle a également planté un drapeau sur le sol lunaire et ramené des échantillons sur Terre.
Pour autant, la course à l'espace, à laquelle participent plusieurs nations et entreprises privées, est loin d'être terminée. La Chine s'intéresse désormais à Mars avec sa mission Tianwen-1, qui est arrivée dans l'orbite martienne le 10 février. Une insertion réussie en orbite – le rover ne se posera pas avant mai – qui marque une nouvelle étape cruciale à plus d'un titre.
Même si Mars est relativement proche de la Terre, c'est une cible difficile à atteindre. Rien ne le démontre mieux que les chiffres. Sur 49 missions jusqu'en décembre 2020, seules 20 environ ont été couronnées de succès. Tous ces échecs n'étaient pas le fait de novices ou de premières tentatives. En 2016, le Schiaparelli Mars Explorer de l'Agence spatiale européenne s'est écrasé sur la surface de la planète rouge. De plus, des problèmes techniques persistants ont forcé l'ESA et son partenaire russe Roscosmos à reporter sa prochaine mission, ExoMars, jusqu'en 2022.
La Chine n'est pas le seul pays à s'approcher de Mars. Le 9 février, une sonde des Émirats arabes unis, Hope, a réussi la même manœuvre d'insertion. Elle n'est pas un concurrent direct de la mission chinoise (la sonde ne fera qu'orbiter autour de la planète pour étudier la météo martienne), mais le rover Perseverance, de la NASA, arrivé une semaine plus tard, l'est sans aucun doute.
Un élément rend l'enjeu encore plus important pour Pékin : l'un des rares pays qui ont réussi la fameuse manœuvre d'insertion en orbite est l'Inde, concurrente directe de la Chine dans l'espace mais aussi sur Terre.
La mission indienne MOM (Mars Orbiter Mission), alias Mangalyaan, a atteint Mars en 2014 – elle fut la première à réussir cet exploit dès sa mission inaugurale. C'est l'une des raisons pour lesquelles le succès de Tianwen-1 est si important pour le statut de la Chine en tant que nouvelle puissance spatiale : c'est une façon de réaffirmer sa domination spatiale sur son voisin. Contrairement à l'Inde, ce n'est pas la première fois que la Chine tente une mission vers Mars (la précédente, Yinghuo-1, en 2011, a échoué au lancement). Cependant, cette fois, les chances de succès semblent bien meilleures.
L'ère spatiale 2.0
Les différents pays ont des modèles de développement spatial différents. La nouvelle course à l'espace est donc en partie une compétition pour avoir la meilleure approche. Cela reflète le caractère spécifique de l'ère spatiale 2.0 qui, par rapport à la première, semble plus diversifiée et où les acteurs non américains, publics et privés, occupent une place importante, en particulier les acteurs asiatiques. Si la Chine est en tête du peloton, sa vision l'est aussi.
Mais il y a des enjeux plus importants. L'effort de développement du secteur spatial chinois est encore largement financé par le gouvernement et dirigé par l'armée. Selon la US-China Economic and Security Review Commission, une commission du Congrès américain, la Chine considère l'espace comme un « outil de concurrence géopolitique et diplomatique ». Il est clair qu'avec le cyberespace, le cosmos est devenu un nouveau domaine de combat fondamental, où les États-Unis sont le principal – mais pas le seul – adversaire. Cela signifie que les considérations commerciales passent au second plan pour de nombreux pays, même si elles sont pris de plus en plus d'importance en règle générale.
La Chine a déjà adopté des plans quinquennaux pour ses activités spatiales. Le dernier en date s'est terminé en 2020 avec plus de 140 lancements. D'autres missions sont prévues : une nouvelle station spatiale orbitale, la récupération d'échantillons martiens et une mission d'exploration de Jupiter, entre autres.
Alors que les ressources engagées par le pays restent largement inconnues (nous ne savons que ce qui est inclus dans les plans quinquennaux), les estimations américaines pour 2017 sont de 11 milliards de dollars, ce qui place la Chine en deuxième position après les États-Unis eux-mêmes – le budget de la NASA pour la même année était d'environ 20 milliards de dollars.
L'Inde a adopté une approche différente, où les intérêts civils et commerciaux prédominent. Suivant le modèle de transparence de la NASA, le pays publie des rapports sur les activités et les dépenses annuelles (environ 1 milliard de dollars US par an de son agence spatiale, l'Organisation indienne de recherche spatiale (ISRO).
Différent par ses ambitions, sa portée et ses investissements, le programme spatial indien a remporté des succès remarquables, comme la commercialisation de services de lancement abordables pour les pays désireux d'envoyer leurs propres satellites en orbite. En 2017, l'Inde est entrée dans l'histoire avec le plus grand nombre de satellites – 104 – jamais lancés par une fusée sur une seule mission à ce jour (tous sauf trois ont été ayant été construits et appartenant à des intérêts étrangers). Ce record a été battu par SpaceX en janvier 2021, avec 143 satellites. Plus impressionnant encore est le coût relativement faible de la mission indienne sur Mars, 74 millions de dollars US – environ dix fois moins cher que la mission Maven de la NASA. Le premier ministre indien, Narendra Modi, a déclaré que la mission entière coûtait moins que le film hollywoodien Gravity.
Pour des raisons géopolitiques, cela pourrait bientôt changer. Le gouvernement indien a publié son rapport annuel 2019-2020, qui montre une implication militaire croissante dans le secteur spatial. Et d'autres missions sur la Lune et Vénus sont prévues par l'ISRO indienne, comme s'il fallait encore plus motiver les Chinois à faire de Tianwen-1 un succès retentissant. La course à l'espace 2.0 prend de plus en plus d'ampleur…
Steffi Paladini, Reader in Economics & Global Security, Birmingham City University. Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l'article original.
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