Cinq questions sur la roue électrique, le nouveau joujou qui envahit les trottoirs
Les amateurs assurent qu'ils se déplacent plus vite, avec, en prime, l'impression de voler ou de glisser sur le bitume, libres de leurs mouvements. Mais, pour les non-initiés, les adeptes de la gyroroue restent des extraterrestres. Pour l'instant.
Benjamin et Arnaud travaillent tous les deux dans l'informatique, dans un bureau situé non loin de l'une des places les plus célèbres de Paris, la place du Trocadéro. Pour effectuer les quelques kilomètres qui séparent leurs appartements de leur lieu de travail, les deux collègues ont abandonné le bus et le métro. Leur nouveau moyen de déplacement ? La roue électrique, cet engin bizarre qui fleurit sur les trottoirs depuis quelques mois, et qui vous a peut-être intrigués, vous aussi.
Son utilisation est encore confidentielle – les jeunes Parisiens branchouilles l'adorent –, mais son utilité n'est pas totalement absurde : la roue électrique permet de circuler rapidement, debout sur une petite roue, les pieds calés de part et d'autre de l'appareil. Pour accélérer, il suffit de se pencher en avant et, pour freiner, de se redresser. Ces derniers mois, des centaines de Français l'ont adopté. "2015 est sans conteste l'année de la gyroroue", se réjouit Christophe, le fondateur de la boutique Mobility Urban, à Toulouse. L'occasion de vous présenter ce petit cousin du Segway.
Comment ça s'appelle, au juste ?
"Roue électrique", "monoroue", "roue gyroscopique", "gyroroue", "monocycle électrique", "e-roue"… Ces engins, pourtant commercialisés depuis 2011, se cherchent encore une identité. "Monocycle électrique est le terme le plus répandu, assure Christophe, de Mobility Urban. Mais, quand on pense au 'monocycle', on pense 'acrobatie' et 'cirque'. Alors on a vu apparaître le terme de gyroroue, qui est plus exact."
De son côté, le leader américain du secteur, Solowheel, espère encore imposer sa marque, à l'instar de Segway et de son fameux gyropode. "Chacun essaie de mener sa petite bataille commerciale", sourit Vincent Bourdeau, de Solowheel Europe. Dès 2010, l'entreprise américaine pour laquelle il travaille a d'ailleurs breveté l'engin, considérant ses concurrents comme auteurs de contrefaçons, à commencer par le chinois Ninebot. Mais la bataille ne fait que commencer. En avril, cet ambitieux rival asiatique a déjà racheté le mastodonte Segway.
A part à faire le malin, ça sert à quelque chose ?
"C'est un vrai mode de déplacement, pas un truc d'allumés, assure Christophe. Les gens voient d'abord l'aspect ludique, mais on leur montre que cela n'est pas uniquement fait pour un usage récréatif." Arnaud, notre informaticien parisien, roule ainsi en moyenne une dizaine de kilomètres par jour, pour se rendre à son travail, mais aussi pour faire ses courses.
Vincent Bourdeau, à l'origine du site communautaire Urban 360, dédié aux mordus de la roue électrique à travers le monde, abonde : "On connaît tous des gens qui prennent leur voiture pour aller à la boulangerie, alors qu'elle se trouve seulement à deux ou trois kilomètres de chez eux." Peu encombrantes (elles ne pèsent qu'une dizaine de kilos), les roues électriques, avec leurs 30 km/h de vitesse de pointe et leurs 20 kilomètres d'autonomie, visent avant tout ces petits trajets du quotidien.
Mais l'engin pourrait aussi trouver un usage professionnel. Ce matin-là, Vincent Bourdeau, de Solowheel Europe, assure avoir convaincu un agent de sécurité d'effectuer ses rondes sur une roue électrique. Des policiers d'Istanbul ont même testé le dispositif en mai, tandis qu'une firme israélienne envisage carrément de livrer des petites marchandises avec des roues électriques sans pilote !
C'est quand même très casse-gueule, non ?
La plupart des utilisateurs l'assurent : le fonctionnement de la roue électrique s'adopte très vite. Courant août, les journalistes du quotidien 20 Minutes ont testé un modèle dans les rues de Paris. Verdict : "Une fois la peur et l'appréhension de l'objet surmontées, on finit par dompter la bête, assure Camille Tombret. Après plusieurs essais (...), l'e-roue est facilement accessible."
"L'astuce, recommande la journaliste de 20 Minutes, c'est de prendre son courage à deux mains, la stabilité de l'engin vous empêche de tomber. Si vous paniquez, c'est la roue qui tombe à votre place. Pas besoin d'avoir des dons en sports de glisse ou de l'équilibre, tout est question de gérer son stress."
A Paray-le-Monial (Saône-et-Loire), Christian Verduron s'apprête pour sa part à commercialiser son "Steerpod", une roue à laquelle il a fixé un siège. L'engin serait plus stable. "On retrouve des sensations proches du ski, raconte Christian Verduron. Une personne de plus de 60 ans qui fait du sport n'aura pas de problème à s'en servir." De là à y voir un fauteuil roulant du futur...
Combien ça coûte, votre truc ?
Le principal facteur discriminant reste le prix. Avec des entrées de gamme aux alentours de 700 euros, et des modèles performants pouvant dépasser les 2 000 euros, la roue électrique n'est pas accessible à tous.
Pour son usage quotidien, Benjamin assure ainsi avoir dépensé plus de 1 000 euros. "Mon père en a un beaucoup moins cher, mais il n'en fait pas le même usage", explique-t-il. Alors que les forums se remplissent de récits d'incidents, souvent bénins, lui assure n'avoir jamais connu de problème. Un investissement qui, dit-il, lui permet d'arriver au bureau en un seul morceau... "Avec un modèle à moins de 800 euros, il existe un risque que la roue se bloque sans raison, provoquant la chute de l'utilisateur", prévient-il.
Et on a le droit de rouler n'importe où ?
Alors qu'il roulait près du rond-point du Trocadéro, Benjamin raconte avoir écopé un jour d'une amende de 90 euros. "Il n'y avait pas de piste cyclable, et l'agent de police m'a dit que je devais aller sur le trottoir. Mais j'ai contesté l'amende et j'ai eu gain de cause." Alors, où doit-on rouler avec une roue électrique ?
Tous les professionnels du secteur vous le diront : la roue gyroscopique, à l'instar des gyropodes et des trottinettes électriques, est tolérée sur les trottoirs, bénéficiant du statut d'"accessoire piéton". Mais, en réalité, ces nouveaux moyens de transport évoluent dans un flou juridique. "Les gyropodes ne sont pas nommément cités dans le code de la route", confirme à francetv info Benoît Hiron, chef de groupe Sécurité des usagers et déplacements au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema).
"Il y a eu des discussions sur le statut de ces engins, il y en a et il y en aura", poursuit l'expert. Mais, en juillet, le Plan d'actions pour la mobilité active, présenté par le ministère de l'Ecologie et du Développement durable, a fait l'impasse sur ce dossier. Pour Benoît Hiron, le législateur devrait se saisir de ces nouveaux usages "dans les années à venir. Il y aura une décision politique à prendre. Mais, alors qu'il faut régler la question des taxis, et que le nombre de morts augmente sur les routes, pensez-vous vraiment que les gyropodes et les roues électriques soient la priorité ?"
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