La Nasa envoie la sonde Dart s'écraser contre un astéroïde : "On veut éviter que les futures générations soient obligées d'improviser"
La sonde Dart s'est envolée mercredi pour une mission à 11 millions de km de la Terre visant à modifier la trajectoire d'un astéroïde de notre système solaire. Une mission inédite dirigée par la Nasa, qui sera suivie en 2026 par une autre mission, européenne celle-là, baptisée Hera.
C’est une première du genre pour la Nasa. L'agence spatiale américaine a lancé depuis la Californie dans la matinée du mercredi 24 novembre (7h20 heure de Paris, et dans la nuit de mardi à mercredi aux États-Unis), une mission spatiale d'un nouveau genre. Objectif : envoyer une sonde s’écraser sur un astéroïde.
Asteroid Dimorphos: we're coming for you!
— NASA (@NASA) November 24, 2021
Riding a @SpaceX Falcon 9 rocket, our #DARTMission blasted off at 1:21am EST (06:21 UTC), launching the world's first mission to test asteroid-deflecting technology. pic.twitter.com/FRj1hMyzgH
Dart, c'est son nom - "fléchette" en français et acronyme de Double Astroid Redirection Test (lien vers un article en anglais) - devrait atteindre sa cible dans un peu moins d'un an et en modifier la trajectoire. En 2026, une autre sonde baptisée Hera, européenne cette fois, sera envoyée dans l'espace à son tour pour étudier au plus près le résultat de cet impact.
Quelle est la cible ?
La cible de Dart s'appelle Dimorphos, nom donné à ce petit astéroïde présent dans notre système solaire. Il s'agit d'un caillou de 160 mètres de diamètre qui tourne autour d’un autre, un peu plus gros dénommé Didymos, qui lui fait 800 mètres de diamètre.
Le duo, identifié il y a vingt-cinq ans, fait partie de ces 15 % d'astéroïdes qui sont doubles, un peu comme des mini systèmes Terre-Lune. Ce sont aussi des géocroiseurs, c’est-à-dire des astéroïdes dont l’orbite peut croiser celle de la Terre.
Quel est le risque pour la Terre ?
En tapant sur la petite lune de Didymos pour dévier sa trajectoire, ce qui suffit pour un test, "on dévie sa trajectoire autour de son corps principal mais on ne le dévie pas de sa trajectoire autour du soleil, donc on évite de causer un risque que l'on cherche à éviter", explique Patrick Michel, astrophysicien à l'Observatoire de la Cote d'Azur, expert mondial des astéroïdes, et responsable scientifique de la mission spatiale Hera. Cette mission "quoi qu'il se passe, n'augmentera aucun risque avec la Terre", rassure Patrick Michel.
Quel est l'intérêt de cette mission ?
Même s'il n’y a aujourd’hui aucun risque majeur identifié, et pour au moins quelques centaines de milliers d’années, pour qu'un gros astéroïde géocroiseur réduise à néant notre existence, on continue de répertorier ceux de taille plus modeste, de quelques centaines de mètres. Ces astéroïdes pourraient un jour, mais cela ne semble pas pour demain, avoir un effet destructeur à l’échelle d’une ville ou d’une région. Comme il vaut mieux prévenir que guérir et mettre tous les atouts de notre côté, on cherche donc à savoir si en faisant s’écraser une sonde sur ce type d’objets, on peut modifier très légèrement leur trajectoire et ainsi sauver notre planète d'une collision potentiellement dévastatrice.
"On sait que ce genre de problème à faible probabilité et hautes conséquences est multiparamètres, explique l'astrophysicien Patrick Michel. Il y a le paramètre scientifique : savoir identifier la menace et savoir ce que l'on doit faire. Il y a le paramètre technologique : comment on y fait face. Il y a aussi la prise de décisions politiques, les gestions de crise et les problèmes juridiques. L'avantage c'est qu'on a les moyens de s'y préparer."
"Ce qu'on veut éviter, c'est que les futures générations, le jour où elles seront confrontées à ce risque, soient obligés d'improviser et que ce soit trop tard parce que c'est extrêmement complexe."
Patrick Michel, astrophysicienà franceinfo
On parle vraiment de défense spatiale. Pour l’instant on ne dispose d’aucun moyen de se protéger contre un gros caillou venu de l’espace. Cette mission est donc clairement faite pour valider une technique d’évitement.
Comment sera étudié l'impact ?
Après dix mois de voyage dans l'espace et quelques millions de kilomètres parcourus, la sonde Dart propulsera ses presque 600 kg sur sa cible, à plus de 20 000 km/h. L’impact, prévu en octobre 2022, sera filmé par un mini satellite largué quelques jours avant la chute finale. Les scientifiques espèrent aussi pouvoir mesurer les conséquences de ce crash depuis la Terre, grâce à des radars et télescopes. "Dart, qui fait 560 kg et qui va taper à 6 km par seconde, va produire une différence de trajectoire instantanée. Comme il (l'astéroïde) passe à 11 millions de km de la Terre au moment de l'impact, c'est-à-dire relativement proche pour l'observer avec les télescopes terrestres, on pourra au moins avoir une première mesure de la différence du temps que met la lune pour tourner autour de son corps central avant et après l'impact."
"Les téléscopes ne répondront pas complètement à ce qui s'est passé, mais ça nous donnera une première indication."
Patrick Michel, astrophysicienà franceinfo
Des données supplémentaires sur la mission Dart de la Nasa seront en outre recueillies dans quelques années grâce à une autre mission, pilotée cette fois par l'Agence spatiale européenne. En 2026, l'ESA enverra la sonde Hera vers Dimorphos. Elle pourra alors mieux visualiser la forme du cratère sur l'astéroïde laissé par l’impact et permettra aussi de faire de la science plus fondamentale, en étudiant notamment la structure interne de ces astéroïdes dont il reste beaucoup à découvrir.
Day and night, we search the skies for asteroids that could pose a threat to Earth. But what if we found one? @JHUAPL’s Justyna Surowiec helps tell the story of #DARTMission, our first test of planetary defense: https://t.co/hiAfCp3qrp pic.twitter.com/0mbGzPOmHx
— NASA (@NASA) November 23, 2021
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