Comment s'est formée la Lune ? Voici les cinq hypothèses des scientifiques
Une étude publiée dans la revue "Nature Geoscience" suggère que la Lune a été formée par la fusion de plusieurs mini-lunes.
Une nouvelle théorie expliquant la formation de la Lune a émergé avec la publication, lundi 9 janvier, d'une étude dans la revue scientifique Nature Geoscience (en anglais). Retour sur toutes les hypothèses qui ont été avancées pour expliquer la naissance du satellite naturel de la Terre, il y a 4,5 milliards d'années.
1La théorie de la co-accrétion
Quelle est l'hypothèse ? L'astronome français Edouard Roche est le premier, en 1873, à avoir développé une théorie scientifique pour tenter d'expliquer la formation de la Lune. Cette théorie de co-accrétion suggère que la Terre et la Lune auraient été formées simultanément, à partir des mêmes matériaux. Une masse importante de débris se seraient agglomérés pour former la protoplanète Terre et une masse plus petite d'objets aurait formé la Lune.
L'hypothèse se vérifie-t-elle ? Cette théorie laisse des zones d'ombre : elle est notamment incapable d'expliquer pourquoi la rotation de la Lune autour de la Terre ne se fait pas au niveau du plan équatorial. D'autre part, elle est contredite par les compositions de la Terre et de son satellite, qui devraient être à peu près identiques. Or, "il y a beaucoup moins de fer sur la Lune que sur la Terre", explique Renaud Deguen, maître de conférences à l'université Lyon 1 et chercheur au Laboratoire de géologie de Lyon. "La Lune a certes un noyau métallique, mais il est beaucoup plus petit, proportionnelement, que celui de la Terre ou des autres planètes telluriques."
2La théorie de la fission
Quelle est l'hypothèse ? Quelques années après Edouard Roche, en 1978, c'est l'un des fils de Charles Darwin, l'astronome George Howard Darwin, qui propose la théorie de la fission. Selon lui, la Lune se serait détachée de la Terre à cause de la rapidité à laquelle notre planète tournait sur elle-même. Pour Darwin, l'océan Pacifique serait "la cicatrice" de cette fission.
L'hypothèse se vérifie-t-elle ? Cette théorie permet de rendre compte de la quantité de fer moindre sur la Lune : les roches du manteau de la Terre qui se seraient détachées sont en effet appauvries en fer, explique Renaud Guenen. A l'instar de la co-accrétion, cette théorie n'explique pas l'inclinaison de 5 degrés par rapport à l'équateur du plan de rotation de la Lune. D'autre part, il est improbable que la Terre ait jamais tourné assez rapidement pour provoquer un détachement d'une partie de son manteau.
La difficulté, c'est la vitesse de rotation que la Terre aurait dû avoir pour permettre cette fission. A priori, la Terre ne tournait pas assez vite.
Renaud Deguenà franceinfo
3La théorie de la capture
Quelle est l'hypothèse ? Selon cette théorie développée en 1910 par Thomas Jefferson Jackson See, un planétoïde déjà formé serait passé à proximité de la Terre et se serait fait capturer dans son champ gravitationnel. En franchissant la limite de Roche (la distance théorique en dessous de laquelle un satellite se disloque), le planétoidïde se serait peut-être désintégré et ses débris se seraient ré-agglomérés pour former la Lune.
L'hypothèse se vérifie-t-elle ? Une première interrogation soulevée par cette hypothèse est la capacité de la Terre à "capturer" un corps aussi massif que la Lune dans son champ gravitationnel, de sorte que celui-ci ait une orbite stable. D'autre part, cette théorie peine elle aussi à expliquer le peu de fer présent dans la Lune. "Les chondrites [les météorites les plus primitives] ont beaucoup plus de fer que ce qu'il y aurait dans la Lune", explique Renaud Deguen.
4La théorie d'un impact géant
Quelle est l'hypothèse ? Face aux limites des trois théories précédentes, deux équipes de scientifiques proposent une nouvelle théorie à la fin des années 1970. Une théorie selon laquelle une planète à peu près de la taille de Mars serait entrée en collision avec la Terre. Tandis qu'elle aurait été réduite en débris, elle aurait arraché de gros fragments du manteau terrestre. Portés à très haute température par le choc, les débris se seraient accrétés pour former la Lune.
L'hypothèse se vérifie-t-elle ? Cette théorie permet d'expliquer les différentes proportions de fer observées dans la composition de la Lune et de la Terre, puisque l'impact aurait uniquement arraché des roches mantelliques, pauvres en fer. Elle apporte aussi des réponses sur une autre particularité du système Terre-Lune, qu'aucune théorie précédente n'avait pu justifier : leurs vitesses de rotation. "La Terre et la Lune tournent sur elles-mêmes très rapidement par rapport aux autres planètes telluriques, remarque Renaud Deguen. "La théorie de l'impact géant permet d'expliquer cela ; elle explique l'accélération du système."
Mais cette théorie n'en reste pas moins imparfaite. "Pour avoir le bon taux de rotation Terre-Lune, il faut que l'impacteur arrive de manière tangentielle à la Terre et dans ces conditions, une grosse proportion du matériel de l'impacteur reste en orbite", note le chercheur lyonnais. Seulement voilà, il n'est pas possible de penser qu'une part importante de la planète venue percuter la Terre se soit agglomérée avec des débris terrestres pour former la Lune. Il existe en effet trop de similitudes dans la composition isotopique des roches terrestres et lunaires. "On trouve par exemple la même relation de proportionnalité entre l'oxygène 17 et l'oxygène 18 sur la Terre et sur la Lune, alors que dans le reste du système solaire, elle varie de manière importante", illustre Renaud Deguen. Et la communauté scientifique a du mal à croire à une coïncidence.
5La théorie des impacts multiples
Quelle est l'hypothèse ? Dans l'étude publiée par la revue Nature Geoscience, une équipe de chercheurs israéliens suppose que la Lune a été formée non pas à partir d'une collision géante, mais d'une succession de plus petits impacts, qui auraient chacun donné naissance à des mini-lunes. Celles-ci auraient ensuite fusionné pour former notre Lune actuelle. Et selon ce scénario, la Lune serait principalement composée par des éléments terrestres. L'idée avait été émise pour dès les années 1980, fait valoir Renaud Deguen, mais "ces 30 dernières années, on s'est surtout concentrés sur l'hypothèse d'un impact géant et on l'avait un peu laissé de côté".
L'hypothèse se vérifie-t-elle ? "Au début du système solaire, les collisions étaient très courantes, il est donc plus naturel que plusieurs impacteurs assez communs soient à l'origine de la Lune plutôt qu'un seul", estime Raluca Rufu, l'une des auteurs de cette étude.
Le fait d'envisager que la Lune résulte de plusieurs impacts plutôt que d'un seul augmente le nombre de paramètres libres du modèle, ce qui permet de plus facilement satisfaire toutes les contraintes observables.
Renaud Deguenfranceinfo
Dans un commentaire publié par la revue, Gareth Collins de l'Impérial College de Londres note que "cette dernière étude a ravivé le scénario jusqu'alors largement abandonné qu'une série d'impacts plus petits et plus communs seraient à l'origine de la formation de la Lune, plutôt qu'un énorme choc unique". Et si l'origine de notre satellite est encore sujet à débat, les tâtonnements et interprétations scientifiques nous rapprochent, à force de logique, des conditions de son apparition.
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