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AsterX : le premier exercice militaire spatial français participe à "une dissuasion spatiale", affirme un expert militaire

L'objectif de l'opération AsterX organisée cette semaine est de mieux protéger nos satellites contre "des collisions avec des débris" mais aussi de montrer qu'en terme de guerre spatiale, "la France est consciente des risques et des menaces et s'y prépare", explique Jean Daniel Testé.

Article rédigé par franceinfo
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Emmanuel Macron visite le Centre national d'études spatiales (CNES) à Toulouse, à l'occasion de l'opération AsterX, le vendredi 12 mars 2021. (STEPHANE MAHE / POOL)

Emmanuel Macron a assisté vendredi 12 mars au premier exercice militaire spatial français au CNES (Centre national d'études spatiales) à Toulouse. L'opération s'appelle AsterX, en référence au petit Gaulois et au premier satellite français lancé en 1965. Cet exercice "participe à ce qu'on peut appeler une dissuasion spatiale", explique sur franceinfo le général de brigade aérienne Jean-Daniel Testé, PDG de l’OTA (Observation de la Terre appliquée), entreprise de conseil en sécurité spatiale.

franceinfo : L'idée, est-ce de simuler un conflit au-dessus de nos têtes ?

Jean-Daniel Testé : C'est beaucoup plus que ça. Le principal, c'est de former du personnel. Vous le savez, on a de magnifiques joujoux dans l'espace, des objets fabuleux qui ont été fabriqués par nos industriels qui sont parmi les meilleurs au monde. Bien sûr, il faut les protéger, mais pour les protéger, on a toujours tendance à oublier qu'il faut des opérateurs au sol. Le but principal de cet exercice, c'est d'acculturer encore plus des opérateurs militaires auprès des opérateurs du CNES aux opérations qui peuvent se passer dans l'espace. Il n'y a pas que le conflit. Le conflit, c'est le haut du spectre. Dans le bas du spectre, c'est la collision avec des débris parce que ça arrive régulièrement.

Nos satellites en orbite basse - on en a un certain nombre qui font des prises de vue pour certains, des télécommunications pour d'autres - sont souvent menacés par des débris spatiaux qui sont en pleine prolifération depuis ces dernières années.

Jean-Daniel Testé

à franceinfo

Ces satellites, il faut savoir qu'ils sont sur des orbites qui peuvent les amener en conjonction avec des débris spatiaux. Et lorsque c'est le cas, il faut faire ce qu'on appelle des opérations spatiales, c'est-à-dire les manœuvrer pour éviter ces débris spatiaux et éviter des dommages irrémédiables.

Peut-il y avoir aussi des tentatives d'espionnage ?

Effectivement, je pense que la ministre [des Armées] Florence Parly en avait très bien parlé en 2017 et je dirais que c'est l'exemple qui est échangé aujourd'hui dans toute la communauté internationale, même s'il y en a beaucoup d'autres dont on ne peut pas forcément parler de la même façon. Donc, effectivement, on a eu un satellite de télécommunications franco-italien qui s'appelait Athena-Fidus, qui a été approché par un satellite russe, qui s'est approché très près de notre satellite de télécommunications. Ces satellites sont en orbite géostationnaire, c'est-à-dire très loin au-dessus de la Terre. Savoir ce qui s'y passe réellement, ce n'est pas très simple. Il y a beaucoup de supputations, mais je dirais la supputation la plus probable, c'est que ce soit un satellite qui était positionné là pour espionner les communications.

De qui, de quoi faut-il se méfier ?

L'espace a toujours été une rivalité des grandes puissances : la Russie et les États-Unis pendant la guerre froide, maintenant viennent s'ajouter d'autres pays comme la Chine, l'Inde, etc. On a tous en mémoire, les anciens du spatial, le tir d'un missile anti-satellite chinois en 2007 qui a réussi effectivement à détruire un satellite en orbite basse, mais en plus qui a produit des milliers et des milliers de débris supplémentaires, ce qui pollue encore plus. Cela a prouvé que les Chinois maîtrisaient parfaitement cette technique d'intercepter un satellite dans l'espace. Les Indiens ont fait la même chose en 2019. Ils ont aussi démontré qu'ils étaient capables d'aller détruire un satellite en orbite. On s'aperçoit que ces pays-là, qui ont des enjeux de puissance à faire valoir, se retournent vers l'espace et transfèrent ces enjeux de puissance dans l'espace.

On commence à assister à un transfert de rivalité dans le domaine spatial. Et ça, c'est perturbant pour en particulier la majorité des pays européens qui ont une volonté d'utiliser l'espace à des fins pacifiques et au profit de toute la société.

Jean-Daniel Testé

à franceinfo

Vous vous imaginez bien que l'exemple chinois était révélateur : lorsqu'on va détruire un satellite en orbite, bien entendu, tous les débris perturbent l'orbite et perturbent tous les autres satellites qui sont sur cette tranche d'orbite. Donc, tout évènement dans l'espace a des conséquences qui dépassent largement l'évènement lui-même.

Cet entraînement est-il destiné à montrer les muscles de la France ?

Il participe à ce qu'on peut appeler une dissuasion spatiale : montrer que la France est consciente des risques et des menaces et s'y prépare. C'est la première étape de la dissuasion. Mais on n'a pas, en France, de velléité d'agir au même niveau que les autres pays ont agi en matière de guerre spatiale. Je pense que ce n'est pas forcément un des objectifs. Mais par contre, compte tenu de la dépendance de notre société des systèmes spatiaux, il faut qu'on soit prêt à les protéger dans tous les cas.

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