Dématérialisation du kilo : "Cela va permettre de faire des progrès énormes dans la science et l'innovation"
Thomas Grenon, directeur général du LNE, le laboratoire national de métrologie et d'essais, accueille avec enthousiasme sur franceinfo la redéfinition de l'unité de mesure du kilo lors de la Conférence des poids et mesures qui se tient à Versailles jusqu'au 16 novembre.
L’unité de mesure du kilo va être redéfinie pendant la Conférence des poids et mesures qui se tient à Versailles jusqu'au 16 novembre. "Cela va permettre de faire des progrès énormes à la fois dans la science, et pour l'innovation", prédit Thomas Grenon, directeur général du LNE, le laboratoire national de métrologie et d'essais, invité de franceinfo mardi 13 novembre.
franceinfo : le kilogramme étalon, c'est ce sur quoi se basent tous nos appareils de mesure des masses, y compris nos balances ?
Thomas Grenon : La balance que vous avez dans votre salle de bain, la balance que vous trouvez sur votre marché, sont reliées à un objet physique qu'on appelle le 'Grand K' [le prototype international du kilogramme qui sert d’étalon à toutes les mesures de masse] qui est conservé avec énormément de précaution. Il y a trois clefs différentes, il est sous trois cloches de vide. Partout dans le monde - non seulement à Paris mais aussi à New York ou à Pékin - tous les kilos sont reliés à lui. Et cela pose bien sûr un important problème. D'abord si on le perdait, ou s’il était volé, ou si on le laisse tomber, on n’aurait plus de référence pour le kilo. Et le deuxième problème c'est qu'en plus, ce qu’il fixe c’est un kilo mais maintenant, on a besoin de mesures de plus en plus précises pour des quantités de plus en plus petites. On n'est plus assez précis pour les besoins qu'on peut avoir dans le domaine de la santé, dans les médicaments ou les micro-injections ou dans le domaine de l'environnement, par exemple la qualité de l'air ou encore dans le domaine des nouvelles technologies.
Il y a un autre problème, c'est que ce fameux kilo physique change de masse c'est bien ça ?
Comme tout objet physique. Par définition il fait toujours un kilo, mais quand on le compare avec les étalons nationaux, et nous en avons un en France au laboratoire national de métrologie et d'essais, on voit que ça bouge. Il est difficile de savoir lequel bouge par rapport à l'autre. Mais par rapport à l'ensemble des kilos nationaux, on a l'impression qu'il perd un peu de poids. Cela veut dire qu'on a une référence qui est fluctuante. Pour la précision des mesures, c’est bien sûr un problème. D’où la nécessité de le dématérialiser et de le ramener à quelque chose qui ne bouge pas du tout. Un pilier très fixe, une constante fondamentale de la nature et de la physique quantique. La seconde est basée sur l'horloge atomique, le mètre est également dématérialisé.
Pourquoi est-ce qu'il a fallu autant de temps pour en venir à cette version quantique du kilo ?
Parce que ce sont des opérations et des expériences extrêmement complexes. Il nous a fallu un peu plus de 30 ans pour arriver à relier et à définir de façon très précise cette constante de Planck de façon à ce que dans la vie de tous les jours cela ne change rien. Parce que dans la mesure, il y a un aspect culturel très fort. En cuisine, pour calculer son poids à soi, on est très lié au kilo et si on avait changé profondément la définition du kilo, ça aurait perturbé toutes les références de chacun. On a donc fait énormément de travaux de façon à ce que le kilo reste inchangé. Par contre sa définition va profondément changer. Elle ne sera plus basée sur un objet physique, mais elle sera dématérialisée, ça va permettre de faire des progrès énormes à la fois dans la science, et pour l'innovation. On a dématérialisé le mètre il y a quelques années, en 1983, grâce à cette dématérialisation, nous avons le GPS.
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