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Ces "salles de shoot" qui divisent politiques et médecins français

Pour ou contre les "salles de shoot" ? Alors que la ministre de la Santé, Marisol Touraine, souhaite voir lancer rapidement des expérimentations, la question divise, au-delà parfois des clivages gauche-droite.
Article rédigé par Cécile Quéguiner
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (VALINCO/SIPA VALINCO/SIPA)

Des expérimentations de salles de shoot "avant la fin de l'année " ? En réinscrivant à l'ordre du jour dimanche cette promesse de campagne de François Hollande, Marisol Touraine a relancé ce virulent débat. La ministre de la Santé affirme que des municipalités "de droite comme de gauche sont prêtes à s'engager pour accueillir ce type de salles ". Mais l'idée provoque pourtant une vive confrontation entre politiques et experts qui soutiennent l'idée, la rejettent en bloc ou demandent à voir : 

LES POUR

C'est le député PS de Paris, Jean-Marie Le Guen , qui a lancé le débat le premier cet été, recueillant déjà les foudres de l'UMP. L'élu, médecin de profession, avait demandé la possibilité de créer des salles d'injection de drogues dans la capitale. Il se réjouit donc de voir Marisol Touraine entrouvrir cette porte, "une décision courageuse , dit-il dans un communiqué, [qui] permettra à la France de se doter d'un outil complémentaire efficace pour la réduction des risques ". Les "salles de shoot " représentent pour lui "une solution pragmatique " qui a fait ses preuves, "tant en terme de santé publique que de sécurité publique ". 

Si les voix qui réclament ainsi l'ouverture de ces salles d'injection semblent provenir généralement de la gauche de l'échiquier politique, une personnalité de droite les a toujours soutenues, Roselyne Bachelot . L'ancienne ministre de la Santé estime encore ce lundi sur RTL qu'elles "sont la meilleure façon de passer à une politique de sevrage " et représente "un premier palier pour arrêter la consommation de drogue ". 

Les associations au contact de toxicomanes, comme Médecins du Monde , sont peu ou prou sur la même longueur d'onde (LIRE leurs arguments dans ce communiqué du 29 août 2012) Selon le docteur Jean-François Corty de MDM, "il existe une soixantaine de ces salles de consommation dans le monde [...] avec des résultats positifs ", comme la maîtrise de l'épidémie d'hépatite C ou la réduction du nombre d'overdoses. Le simple fait d'éviter les injections en pleine rue empêcherait aussi les violences ou l'abandon de seringues usagées potentiellement dangereuses. Des arguments qui s'appuient sur un rapport de l'Inserm de 2010 pointant les bénéfices de ces lieux de consommation encadrés. 

LES CONTRE

De la droite à l'extrême-droite, l'opposition est très tranchée. Et la morale appelée à la rescousse. À quelques exceptions près. Luc Chatel, ancien ministre de l'Éducation , y voit un "couac " de plus, après le débat avorté sur la dépénalisation du cannabis. Pour lui, "c'est un contre-message que l'on envoie à la jeunesse de notre pays ". "Non, trois fois non , clame aussi Yves Jégo, le député de la nouvelle UDI de Borloo . L'idée de dire qu'il y a des lieux où vous pouvez vous droguer offciiellement, ou que le cannabis devient un produit qui n'est plus illégal, va à l'encontre de la santé publique ". La présidente du FN, Marine Le Pen , ni dit pas autre chose : "On n'est pas obligé de les aider à se droguer. Il y a des hôpitaux pour les soigner. C'est dramatique sur le plan moral, politique, sanitaire ".  

"En cas d'accident, dans ou hors une salles de shoot, qui sera responsable ?"

L'UMP Bernard Debré , l'autre député médecin de Paris, lui place le débat sur le terrain juridique. "Quand un drogué va venir dans une salle de shoot , questionne-t-il sur France 2, et qu'il fera une overdose, qui sera responsable ? L'État. Quand ce même drogué sortira après s'être shooté, et s'il commet un crime, un délit, un accident, qui sera responsable ? L'État" , répond-il encore.

Il existe aussi quelques organismes de lutte contre la toxicomanie qui s'opposent à l'ouverture de ces salles, notamment le Centre national de prévention, d'études et de recherches en toxicomanies (CNPERT) qui les voit comme des "squats de la santé ". 

LES "POURQUOI PAS"

Certains à droite ne ferment pas totalement la porte aux expérimentations envisagées par Marisol Touraine. Ainsi, Alain Juppé, le maire de Bordeaux , fait-il savoir qu'il n'est pas opposé à ce que sa ville accueille une expérimentation, "à condition qu'il y ait une concertation au préalable avec les élus locaux et la population ". À condition également que le lieu soit propice, éloigné des établissements scolaires et/ou "adossé à une structure médico-sociale ". L'édile UMP estime qu'"il ne faut jamais être fermé à l'expérimentation " et se dit à la disposition de la ministre de la Santé pour en discuter. 

"Expérimentons. C'est un signe de pragmatisme et d'ouverture d'esprit , affirme aussi Rama Yade de l'UDI . Mais le principe de rendre accessible la drogue, pour moi est une aberration ". 

 

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