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Pourquoi il faut prendre avec prudence l'étude sur l'aluminium dans les vaccins

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Un pédiatre vaccine un enfant à Quimper (Finistère), le 19 septembre 2017. (FRED TANNEAU / AFP)

Selon une étude scientifique dont "Le Parisien" publie les grandes lignes dans son édition du vendredi 22 septembre, l'aluminium contenu dans les vaccins pourraient "avoir des effets neurotoxiques" dans certains cas précis. 

L'interview du Parisien, vendredi 22 septembre, risque d'affoler les inquiets en plein débat sur la vaccination. Alors que le nombre de vaccins obligatoires pour la petite enfance passe de trois à onze l'an prochain, le Pr Romain Gherardi alerte sur les dangers potentiels de la présence d'aluminium dans les vaccins pour des personnes génétiquement prédisposées. Pour le chef du service de pathologies neuromusculaires à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne), la hausse annoncée du nombre de vaccins risque d'augmenter "mécaniquement les problèmes de santé" chez ces personnes. Une affirmation contestée par certains de ses confrères. Alors, y a-t-il lieu de s'alarmer ? Franceinfo vous explique pourquoi il faut rester prudent.

Parce que peu de personnes développeraient une maladie après avoir été vaccinées

Principale conclusion de l'étude menée par le Pr Romain Gherardi ? "Pour la première fois, on a identifié des facteurs de variation dans les gènes, expliquant qu'une frange de la population va être intolérante à l'aluminium", expose-t-il à franceinfo. Cette frange intolérante pourrait, selon lui, être susceptible de développer une maladie spécifique, la "myofasciite à macrophages" (une lésion musculaire), après avoir reçu des vaccins contenant des sels d'aluminium. 

Sauf que, selon l'Agence nationale de sécurité du médicament, "il y a très très peu de patients qui font état de myofasciite à macrophages à la suite d'un vaccin. Nous n'avons aucun signalement depuis 2015. Au long cours, on en a eu assez peu : moins de dix cas diagnostiqués depuis 2006."

Le son de cloche est différent du côté d'E3M, association regroupant des patients qui établissent un lien direct entre leur maladie, la myofasciite à macrophages, et "l’hydroxyde d’aluminium utilisé comme adjuvant dans de nombreux vaccins". Pour elle, "impossible" de savoir combien de personnes sont effectivement atteintes "dans la mesure où les symptômes se manifestent des mois ou des années après la vaccination". Selon son président, Didier Lambert, "mille personnes sont diagnostiquées" en France, aujourd'hui.

Parce que l'étude a été menée sur des souris

Autre conclusion importante de l'étude : "Ce n'est pas la dose qui fait le poison." Autrement dit, "même [de] petites doses d'adjuvant [à base de sels d'aluminium] ont des effets neurotoxiques", affirme le Pr Gherardi contacté par franceinfo. Dans Le Parisien, il précise que ses "études montrent qu'à trop rester dans les cellules, [l'aluminium] peut provoquer un burn-out immunitaire, c'est-à-dire fatiguer notre système immunitaire, voire le dérégler." Mais ses recherches ont été menées sur des souris, lesquelles montrent "des difficultés de locomotion" ou une absence de peur du vide après les injections.  

Peut-on pour autant extrapoler ces résultats à l'homme ? Pas systématiquement, estime le professeur d’immunologie pédiatrique Alain Fischer, titulaire de la chaire Médecine expérimentale au Collège de France, joint par franceinfoLe Pr  Romain Gherardi se défend dans Le Parisien : "C'est grâce au modèle animal qu'a été établie la majeure partie des connaissances en biologie."

Parce que l'étude nécessite d'être approfondie

Pour certains experts, le bât blesse aussi du côté de l'évaluation scientifique de l'étude. "Ses travaux ne sont toujours pas publiés, donc la communauté scientifique n’ y a toujours pas accès aujourd’hui. Il n’y a absolument rien de nouveau dans ces deux pages du Parisien aujourd’hui", s'irrite Alain Fischer, pour qui il s'agit surtout d'un coup de projecteur médiatique. Le conseil scientifique de l'Agence du médicament (ANSM), qui a rédigé un avis sur cette étude, salue, elle, "la logique d'ensemble du projet", mais estime que "des approfondissements sont nécessaires".

De son côté, le Pr Gherardi affirme que les conclusions concernant le lien génétique n'ont pas encore été publiées dans un journal scientifique, car un dépôt de brevet est en cours. Le professeur cherche encore des financements pour poursuivre ses travaux sur ce sujet. "Pour continuer l'immense chantier devant nous, nous avons besoin de 550 000 euros. En plein débat sur l'extension de l'obligation vaccinale, cette décision doit être de nature politique. Nous ne pouvons plus perdre de temps de recherche", martèle-t-il dans Le Parisien. Il a confirmé à franceinfo que la piste de l'intolérance génétique "ouvrait la voie" à un futur test pour repérer les personnes qui ont du mal à éliminer l'aluminium. 

Parce que la balance bénéfice-risque des vaccins reste "positive"

Une fois tous ces arguments alignés, rappelons que le Pr Romain Gherardi estime qu'il est tout sauf un antivaccin. "Il faut être fou pour l'être", assène-t-il avant de plaider pour des alternatives "à l'adjuvant aluminique comme le phosphate de calcium" dans le cas où les patients sont intolérants à l'aluminium. 

Jointe par franceinfo, l'Agence nationale de sécurité du médicament rappelle que les vaccins à l'aluminium existent depuis près d'un siècle : "On a quatre-vingt-dix ans de recul sur la question de l'utilisation de ces adjuvants, c'est considérable !" Pour le moment, rien n'a prouvé un lien entre leur administration et le développement de maladies.

Selon l'Agence nationale de sécurité du médicament, avec la masse d'informations collectées et même si le risque zéro n'existe pas, il n'y a pas l'ombre d'un doute : "La balance bénéfice risque est positive" pour les vaccins. Devant les députés, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, s'est montrée encore plus formelle : "Ces adjuvants ne sont pas nocifs pour la santé, tous les rapports le montrent."

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