Pourquoi une bonne hygiène bucco-dentaire pourrait vous sauver la vie !
Bien se brosser les dents est important pour notre bonne santé. Il y a quelques années, des chercheurs écossais avaient remarqué que les personnes qui se brossaient régulièrement les dents et utilisaient le fil dentaire, avaient moins de risque de développer une maladie cardiovasculaire que celles qui avaient une mauvaise hygiène bucco-dentaire (1). Aujourd'hui, les études se multiplie pour explorer le lien entre hygiène buccodentaire et maladies cardiovasculaires.
Hygiène bucco-dentaire et maladies cardiovasculaires : quel lien ?
Porphyromonas gingivalis ou aggregatibcater actinomycetemcomitans pourraient être à l'origine de maladies cardiovasculaires. Ce sont des bactéries présentes de manière physiologique dans la bouche. Elles sont anaérobies, c'est-à-dire dans un milieu dans lequel il n'y a pas d'oxygène, et adorent se nicher entre les dents ou sous les gencives.
Si ces bactéries restent en place et prolifèrent de manière trop importante, elles peuvent attaquer la gencive et l'os. Au départ, seule la gencive est attaquée. Elle va devenir inflammatoire, gonfler et saigner facilement. Si on laisse encore la maladie évoluer, ces bactéries continuent leur travail et détruisent l'os : c'est la parodontite. C'est ce qu'on appelle plus communément le déchaussement des dents.
Des dents au coeur, il n'y aurait qu'un pas
Les bactéries buccales qui infectent les gencives, pourraient être à l'origine de problèmes cardiovasculaires car elles passent par le sang. Quand on a une parodontite et qu'on se brosse les dents, ça saigne, les bactéries buccales peuvent passer dans la circulation sanguine et aller se nicher dans n'importe quel endroit du corps, notamment au niveau de la paroi des artères coronaires qui permettent d'irriguer le coeur. Ce sont elles qui se bouchent dans le cas d'un infarctus.
Ces bactéries ne seraient pas évidemment directement responsables de l'infarctus mais en se déposant sur les parois des vaisseaux, elles déclencheraient une réaction immunitaire inflammatoire. Réaction qui pourrait favoriser la formation de plaques d'athérome. Les plaques d'athérome sont des plaques formées d'amas graisseux et de cellules inflammatoires. Au bout d'un certain temps elles peuvent finir par se décrocher et entraîner l'obstruction des artères. Si cela se passe au niveau du coeur, c'est l'infarctus et si c'est au niveau du cerveau, c'est l'AVC. Ce n'est qu'une hypothèse pour l'instant mais plusieurs études sur l'homme et l'animal suggèrent que les bactéries parodontales favoriseraient la formation des plaques d'athérome. Les résultats obtenus par une équipe de chercheurs de l'université de Strasbourg vont dans le sens de cette hypothèse. Ils ont analysé des échantillons prélevés sur des artères de patients qui souffraient de problèmes coronaires bouchées, ils ont trouvé l'ADN de vingt bactéries impliquées dans la parodontite. (2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 13)
Une méta-analyse, c'est à dire l'examen de plusieurs études sur le sujet, a montré que les patients atteints de parodontites auraient plus de risque d'être atteints de maladies cardiovasculaires. D'autres études sont encore nécessaires pour le démontrer mais le lien entre les maladies parondontales et cardiovasculaires est plus que fortement suspecté. (2, 3,11,12,13).
Des implications dans d'autres pathologies
Les bactéries pourraient perturber l'action de l'insuline. Le même processus inflammatoire dû aux bactéries empêcherait l'insuline de faire entrer le sucre dans les cellules. Résultat, le taux de sucre dans le sang augmenterait : c'est la caractéristique du diabète. Ainsi chez les personnes prédiabétiques, la présence d'une parondontite pourrait favoriser le déclenchement de la maladie.
S'il n'existe pas encore de preuves directes, il y a une très forte suspicion pour cette piste inflammatoire. Une étude suggère qu'en traitant une maladie parodontale chez une personne déjà diabétique, le taux de sucre dans le sang pourrait être plus facilement contrôlé. (13, 14, 15, 16,17, 18)
Encore une fois rien n'est prouvé mais l'impact des bactéries buccales sur le diabète est donc une piste intéressante de recherche qu'il faut continuer de creuser. Le diabète est responsable chaque année de 1,5 million de morts dans le monde. L'enjeu est donc de taille.
Une tendinite à l'épaule pourrait aussi avoir pour origine une bactérie buccale. Même si ce sont d'autres bactéries buccales, plutot en lien avec les infections dentaire au bout des racines, sont en cause, le même mécanisme serait en jeu. Elles migrent au niveau des tendons de l'épaule et l'inflammation qu'elle provoque peut créer des douleurs chroniques. Des douleurs qui peuvent persister malgré la kinésithérapie et les traitements habituellement préconisés. Mais cette hypothèse divise encore la communauté scientifique. Ces bactéries peuvent aussi se disséminer et être à l'origine d'une infection lorsqu'on met en place une prothèse de hanche.
Explorer les conséquences de ces bactéries
L'implication de ces bactéries buccales dans la survenue de maladies aussi différentes, ouvre un champ de recherches considérable.
Même si on ne sait pas exactement encore comment cela fonctionne, une équipe de chercheurs a évalué que les mères qui ont une maladie parodontale auraient trois fois plus de risques d'accoucher prématurément à cause d'une prééclampsie (19). Il pourrait aussi exister un lien avec la polyarthrite rhumatoïde, une maladie auto-immune qui provoque une inflammation chronique et une destruction de toutes les petites articulations du corps. Les bactéries parodontales pourraient participer à l'initiation ou entretenir cette inflammation. (20, 21, 22, 23). Mais ce ne sont pour l'instant qu'un faisceau de recherche.
En attendant les études complémentaires, autant prendre les devants avec des moyens simples de prévention comme utiliser la brosse à dent et le fil dentaire. Et si vous souffrez déjà d'une maladie parondontale comme une personne sur deux en France, ne laissez pas les choses s'aggraver et consultez de toute urgence car la santé dentaire n'est pas déconnectée de celle du corps.
Pour aller plus loin...
Les dents : Miroir de notre santé ? Magazine de l'Inserm n°40 juillet 2018 .
Sources :
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3. Blaizot A, Vergnes J, Nuwwareh S, Amar J, Sixou M. Periodontal diseases and cardiovascular events: meta-analysis of observational studies. Int Dent J. 2009;59(4):197-209.
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5. Jie Yang, Juan Wu, Rui Zhang, Min Yao, Yu Liu, Leiying Miao, Weibin Sun. Porphyromonas gingivalis oral infection promote T helper 17/Treg imbalance in the development of atherosclerosis. Journal of Dental Sciences, Volume 12, Issue 1, 2017, pp. 60-69
6. Atarbashi-Moghadam F1, Havaei SR2, Havaei SA3, Hosseini NS4, Behdadmehr G5, Atarbashi-Moghadam S6.Periopathogens in atherosclerotic plaques of patients with both cardiovascular disease and chronic periodontitis. ARYA Atheroscler. 2018 Mar;14(2):53-57. doi: 10.22122/arya.v14i2.1504.
7. J Maxillofac Oral Surg. 2009 Jun;8(2):108-13. doi: 10.1007/s12663-009-0028-5. Epub 2009 Aug 11. Prevalence of periodontal pathogens in coronary atherosclerotic plaque of patients undergoing coronary artery bypass graft surgery. Mahendra J1, Mahendra L, Kurian VM, Jaishankar K, Mythilli R.
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14. Magazine de l'Inserm n°40. Les dents : le miroir de notre santé ?
15. EEP/APP workshop on periodontitis and systemic diseases. J Clin Periodontol 2013 ; 40 (S14) : 20-3
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