Paraplégique après avoir été défenestrée par son compagnon, elle est jugée en partie responsable
24 août 2013, Le Mans. Aïda [son nom a été modifié, NDLR], 25 ans, est retrouvée inconsciente en bas de son immeuble. Dans la nuit, son compagnon l’a jetée du deuxième étage. Depuis, la jeune femme est paraplégique. En juin 2016, l’homme est condamné à 15 ans de prison, et une indemnisation de 90.000 euros est fixée par la cour d’assises. Mais l’histoire ne s’arrête pas là : le Fonds de garantie des victimes (FGTI), estimant que les torts sont partagés, entend réduire le montant de l’indemnisation. Une conclusion partagée par la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (Civi), saisie par les avocats d’Aïcha. En 2018, la Civi déclare en effet que la cliente a commis une faute en passant la nuit chez un homme violent, et propose de fixer l’indemnisation à 67.500 euros.
"Une femme n’est jamais responsable des violences qu’elle subit"
L'affaire, révélée par Le Maine libre, a provoqué un véritable tollé. Marlène Schiappa, secrétaire d’État à l'Égalité entre les femmes et les hommes, a même estimé que cette décision était "profondément choquante et incompréhensible". "Considérer qu’une femme est responsable, même partiellement, même administrativement des violences qu’elle subit va à l’encontre de tout le travail de conviction que nous menons", a-t-elle ajouté, se disant prête, "si c'est avéré et dans ces termes", à "intervenir personnellement".
Cette décision va à l’encontre du travail de conviction que nous menons.
— ???????? MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) 3 janvier 2019
Non, une femme n’est jamais responsable des violences subies, même administrativement !
Nous recoupons les faits.
Je suis prête à intervenir personnellement dans ce dossier.
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"La position du Fonds de garantie est très choquante", a réagi une avocate de la victime, Me Julie Dodin. "Il n'y a pas de jurisprudence sur la question, et aucune Civi n'a encore jamais eu l'audace de retenir la faute d'une victime de violences conjugales", a-t-elle précisé. Aïcha, qui avait déjà été frappée par son compagnon, ne voulait pas rester dormir chez elle ce soir-là, racontent ses avocats. C'est aussi ce que lui avaient conseillé des policiers. Celui-ci venait en effet d'agresser un ami qu’ils avaient en commun, et elle préférait rentrer dans sa famille, à Alençon. Mais plus aucun train ne circulait à cette heure-ci. Aïcha a alors tenté de joindre le 115 et ses amis, sans succès. Elle a donc dû rentrer dormir chez elle.
"L’avocat général a écrit le mot victime entre guillemets"
"Aïda subissait des violences habituelles, qui n'avaient pas donné lieu à hospitalisation, mais ce soir-là, il ne l'avait pas violentée", a précisé son autre avocat, Me Mathias Jarry. De son côté, le Fonds de garantie assure qu’il a pris sa décision "au nom de la solidarité nationale et sous le contrôle du juge", indiquant que la victime avait consommé des stupéfiants au moment du drame et qu'elle était elle-même retournée chez elle. "Le juge (de la Civi, NDLR) a estimé que l'indemnisation devait être limitée en raison d'une faute de la victime. La loi prévoit en effet que la victime qui contribue, par sa faute, à son dommage peut voir son droit à l'indemnisation réduit et même parfois supprimé", poursuit le Fonds.
Les avocats ayant fait appel, une nouvelle audience doit se tenir le 27 mai prochain. En attendant, l'avocat général de la cour d'appel d'Angers a lui-même confirmé la faute partagée, et demandé de réduire, une nouvelle fois, l’indemnisation d’Aïcha. "Ce qui nous a choqués, c'est qu'il a écrit le mot victime entre guillemets, comme si notre cliente n'était pas une vraie victime", dénonce Me Jarry.
Rappelons qu’en France, une femme meurt tous les trois jours de faits de violences de son conjoint ou de son ex-conjoint.
"Violences conjugales : "Si les plaintes ne sont pas instruites, ça va continuer"" Entretien avec le Dr Gilles Lazimi diffusé le 2 octobre 2018.
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