Féminicides : " Ces drames sont encore bien trop souvent perçus comme banals "
Elle s’appelait Isabelle, elle avait 37 ans et trois enfants. Dans la nuit du 3 au 4 juillet, elle est morte percutée par une voiture. Son compagnon vient d’être placé en garde à vue à Reims, suspecté « d’homicide aggravé ».
Depuis le début de l’année, Isabelle serait la 72ème femme à être tuée par son conjoint ou ex-conjoint en France. Ce drame porte un nom : le féminicide, c’est-à-dire le meurtre d’une femme ou d’une jeune fille lié au fait qu’elle est une femme. Le mot vient de la contraction entre « féminin » et « homicide », et a été popularisé au début des années 1990.
Violences. Plaintes. Silence
« C’est un nouveau mot et il faut qu’il soit inscrit dans la loi tel quel », s’exclame Céline Lolivret, aide-soignante ayant elle-même été victime de violences conjugales. Depuis le meurtre de sa meilleure amie Julie Douib, survenu en mars dernier en Corse, une chose lui tient à cœur : porter haut la voix des victimes de féminicides et de leurs familles.
Contrairement à plusieurs pays d’Amérique latine, de l’Espagne ou de l’Italie, le terme de féminicide n’a pas été intégré au Code pénal français. Pourtant les faits sont là. En France, de nombreuses femmes subissent des violences, osent parfois pousser la porte d’un commissariat pour porter plainte. Une fois, deux fois, trois fois. Et puis le silence. Un silence auquel elles sont réduites violemment par un homme auquel elles avaient fait confiance par le passé.
En France, 130 femmes y ont été victimes de féminicides en 2017. Parmi elles : Chantal, Caroline, Sylvie, Guo, Josette, Gaëlle, Nadine, Séverine, Taïna, Pascale, Gulçin, Céline, Stéphanie, Nelly, Hilal…
"Révoltée et abasourdie"
« Je suis révoltée et abasourdie par cette continuité, cette répétition de cas similaires. Bien qu’elles aient eu le courage de porter plainte, elles ont quand même été tuées. Il y a urgence », s’insurge Céline Lolivret.
Elle regrette l’impuissance des policiers, qui - trop souvent selon elle-, ne savent comment protéger efficacement une femme qui vient déposer plainte pour de tels faits. « J’en appelle à Nicole Belloubet, ministre de la Justice, pour qu’elle détermine une marche à suivre précise et détaillée et la transmette à tous les commissariats français ».
Elle milite pour qu’un dépôt de plainte donne systématiquement lieu à une convocation de l’homme mis en cause, dans les plus brefs délais. « Il faut que l’on fasse confiance à ces femmes, qu’elles soient crues. Ces drames sont encore bien trop souvent perçus comme banals », plaide la jeune femme, membre du "collectif familles de victimes de féminicides - plus jamais ça". « Il y a une résistance intolérable et scandaleuse au niveau des tribunaux », estime pour sa part, Michèle Idels, avocate et co-présidente de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie.
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"Protégez-les !"
Le 29 juin dernier, accompagnée d’Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes, elle a co-signé une tribune parue dans Le Parisien intitulée « Protégez-les ! ».
« Par mon action, je veux que les ministres, les policiers et les juges prennent enfin conscience que quelque chose ne va pas », explique Céline Lolivret. Elle entend porter la voix des familles de victimes, dans l’incapacité de parler publiquement d’affaires souvent toujours en cours d’instruction. « Ces violences sont le signe d’un dysfonctionnement de la société (…) je ressens une colère terrible » confie Michèle Idels.
Rompre le silence
Plusieurs collectifs et associations portent ce combat. Un collectif féministe - réunissant notamment la cheffe d’entreprise Caroline de Haas, la journaliste Rokhaya Diallo et la leader du mouvement des FEMEN Inna Shevchenko -, signe d’ailleurs lui aussi une tribune ce 4 juillet, dans les colonnes du Monde, suggérant une marche à suivre au président de la République pour « protéger les femmes et empêcher ces crimes ».
Un rassemblement contre les féminicides est programmé place de la République ce samedi 6 juillet à 17h. Le nombre moyen annuel de femmes victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part du conjoint s’élève à 219 000 en France.
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