Faut-il interdire les relations sexuelles entre patients et médecins ?
Ariane est hantée par un souvenir... Elle a été agressée sexuellement par son psychiatre, il y a dix ans. "Dans son bureau, en milieu de séance, il m'a fait une déclaration. Il m'a dit qu'il souhaitait devenir mon ami, qu'il avait envie de parler avec moi, mais qu'il n'en avait pas le droit à cause de la thérapie. Il s'est rapproché de moi. J'étais sur le divan. Il m'a embrassée. Il m'a dit : ‘’désormais je veux que ce soit autrement’’... Et il m'a sauté dessus. J'étais tellement sidérée que je me suis laissée faire. Je n'ai pas compris. Je me suis dit : j'hallucine, ça n'a pas pu arriver, j'ai rêvé, que se passe-t-il ?", témoigne cette femme de 60 ans. Après avoir longtemps gardé le silence, elle trouve le courage de parler et porte plainte devant le Conseil de l'Ordre des Médecins.
La procédure est interminable, et son témoignage jamais pris au sérieux. Dans une première réponse, le Conseil de l'Ordre soutient que le médecin lui a simplement déclaré sa flamme, et qu'il ne s'agit en aucun cas d'une faute éthique ou déontologique. En séance de conciliation, on lui a par la suite soutenu qu'il s'agissait de questions d'ordre privé. "Je n'ai pas été plus loin tellement j'étais écoeurée. On m'a dit que j'étais consentante. J'étais choquée. Je me suis dit : il va continuer, cela va se reproduire, rien ne l'arrêtera... Dix ans après, ce médecin est toujours en activité", témoigne Ariane, qui s'est finalement résolue à abandonner les poursuites.
Une pétition contre les abus
Depuis, elle essaie de sensibiliser aux violences sexuelles. Elle s'est récemment associée à un médecin généraliste, le Dr Dominique Dupagne, pour lancer une pétition visant à interdire explicitement les relations entre soignants et patients.
Il n'existe pas de chiffre officiel du nombre d'agressions sexuelles par des médecins. Dans ces affaires, c'est le Conseil de l'Ordre qui examine les dossiers.
Pour Gilles Munier, vice-président du Conseil National de l’Ordre des Médecins, le code de déontologie médicale est suffisamment clair, avec plusieurs articles visant à protéger les patients. Notamment l'article 3 selon lequel : "Le médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine" .
Les auteurs de la pétition y voient plutôt un flou juridique. Ils dénoncent également l'inégalité de traitement des plaintes en fonction des Conseils. "Selon les régions, les médecins vont tout de suite avoir un comportement adapté, prendre au sérieux la plainte, respecter les règles. Dans d'autres, la femme est immédiatement mise en accusation. Si le médecin est un notable local, il existe une sorte de solidarité, et ce que dit la femme va être automatiquement remis en question. Il faut rassembler beaucoup de courage pour aller voir l'institution ! C'est impressionnant d'aller voir le Conseil de l'Ordre... Si en plus, il n'existe aucune compassion, c'est terrifiant", soutient Dominique Dupagne.
En 2016, environ 66% des plaintes à connotations sexuelles contre des médecins ont abouti à une sanction.
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