Cancer : redouter les effets secondaires des traitements augmente le risque d'en souffrir
Dans le cancer, les traitements sont souvent aussi craints que la maladie en tant que telle. Appréhender ces traitements pourrait justement être de mauvais augure pour le déroulé du protocole de soins. C'est du moins ce que semble montrer une étude menée par des chercheurs allemands, publiée le 23 août 2016, dans la revue Annals of Oncology.
Les scientifiques se sont intéressés spécifiquement aux effets secondaires des traitements du cancer du sein à base d'hormonothérapie. L'étude a porté sur 111 femmes opérées d'un cancer du sein et participant à un essai clinique à l'université de Marburg, en Allemagne. Juste avant de commencer une hormonothérapie utilisant du tamoxifène ou des anti-aromatases, les chercheurs ont demandé aux patientes si elles s'attendaient à des effets secondaires. Ils ont découvert que les 29% qui redoutaient des effets secondaires importants avaient la moins bonne qualité de vie et le taux d’adhésion au traitement le plus faible deux ans plus tard. A l'inverse, celles qui n'escomptaient aucun effet secondaire (8%) ou s'attendaient à des effets modérés (63%) respectaient mieux le traitement et rapportaient moins d'inconvénients deux ans après.
Les principaux effets indésirables de l'hormonothérapie sont des douleurs articulaires, un gain de poids et des bouffées de chaleur.
L'anticipation, facteur déterminant
"Nos résultats montrent que les anticipations constituent un facteur cliniquement pertinent qui influence le résultat à long terme de l'hormonothérapie", souligne le Pr Yvonne Nestoriuc, spécialiste en médecine psychosomatique et en psychothérapie, qui a dirigé l'étude. Elle reconnaît toutefois l'existence de limites à son étude, comme le fait que 40% des patientes qui auraient pu participer à l'essai y ont renoncé, probablement parce qu'elles avaient déjà des "attentes négatives" vis-à-vis de l'hormonothérapie.
Les conclusions de l’étude n’étonnent pas Stéphanie Podgorski, psychologue en oncologie au CHR de la Citadelle, à Liège (Belgique). Tous les types de cancers sont concernés par ces "auto-conditionnements". "Nous recevons les patients avant le traitement, à la demande des médecins ou à la demande des patients eux-mêmes, en cas de manifestations anxieuses face à l’annonce du diagnostic ou la mise en place des traitements. Et il s’avère, en effet, que les malades les plus inquiets sont aussi souvent ceux qui disent ressentir le plus d’effets secondaires par la suite."
Les appréhensions liées aux effets secondaires sont fréquentes et conditionnées par les représentations collectives. "Dans les traitements de chimiothérapie, les patients ont souvent peur, en particulier de la perte des cheveux et des nausées. Ces effets secondaires existent et, en ce sens, ce sont des peurs tout à fait rationnelles. Mais elles peuvent être exacerbées par les croyances du malade, façonnées par son histoire, mais aussi par les médias et les fictions", ajoute la psychologue.
Stress et prophétie autoréalisatrice
La peur n’évite pas le danger. Elle aurait même plutôt tendance à le provoquer. "L’appréhension et le stress exacerbent les symptômes à bas bruit. Le ressenti est alors plus marqué pour les malades. Le cas de nausées est typique", explique Stéphanie Podgorski.
Les pouvoirs de la psyché sur le déroulé futur des évènements est bien connu des psychologues. "Il s’agit de ce que l’on appelle une prophétie autoréalisatrice. Quand un patient estime que sa pensée est une vérité, quand il est persuadé que les choses vont se passer de telle ou telle manière, la probabilité pour que les choses se déroulent comme il l'a prédit augmente considérablement", constate la psychologue en oncologie.
Modifier les attentes et les représentations
Les auteurs de l'étude estiment qu'une modification des attentes par le biais de psychologues avant le début du traitement pourrait améliorer les résultats du traitement et mène actuellement un nouvel essai pour déterminer l'efficacité de ce type de stratégie.
En pratique, dans leur cabinet, les psychologues travaillent à "déconstruire" les certitudes négatives des malades du cancer en travaillant sur les croyances et les représentations. "Nous utilisons des méthode de thérapie comportementale et cognitive, en particulier la méthode ACT. Elle nous permet d’apprendre au patient à s’ancrer dans le présent, sans faire de projections dans le futur, et à accepter les choses comme elles sont ", conclut Stéphanie Podgorski.
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