A quand des pansements pour les peaux noires et métissées ?
En retweetant un message du docteur en sciences politique américain Dominique Apollon le 22 avril dernier, la journaliste et militante Rokhaya Diallo s’est attirée les foudres de nombreux internautes. Son propos ? Souligner à quel point il est difficile pour les gens à la peau non blanche de trouver des pansements adaptés à leur carnation. Une remarque qu’elle avait déjà faite sur Twitter il y a un an et qui avait déclenché une vague de cyberharcèlement à son encontre.
En France, j’ai été harcelée par le P. Républicain, Marianne, Valeurs Actuelles et copieusement insultée pr avoir osé évoquer la couleur des pansements.
— Rokhaya Diallo (@RokhayaDiallo) 22 avril 2019
Ne JAMAIS craindre d’avoir raison seul.e contre tous.tes, le temps vous donnera raison.#sparadrapgatehttps://t.co/zZLhpxq2Jf
"C’est une forme d’invisibilisation"
La problématique est pourtant loin d’être "anodine" ou "superficielle", comme l’ont affirmé de nombreux cyberharceleurs. "Cela concerne jusqu’à 10 millions de Français, et je ne parle même pas des habitants des DOM-TOM !" s’insurge Therry Tchapnga, fondateur de la parapharmacie en ligne Paraetnik, seule enseigne en France à proposer des pansements pour peaux noires et métissées. "C’est une forme d’invisibilisation", développe Rokhaya Diallo.
Comment expliquer que près de 10% de la population française soient obligés de couvrir leurs plaies avec des pansements d’une "couleur chair" qui n’est pas la leur ? Tout simplement parce que les laboratoires ne s’intéressent pas à la question. "Le commerce n’est pas toujours rationnel", résume Rokhaya Diallo. Et l’industrie est dominée par les laboratoires européens. Résultat : même sur le continent africain, impossible de trouver des pansements adaptés au peaux noires.
Un marché prometteur, dont les labos ne se saisissent pas
La marque Mercurochrome a bien essayé, en 2007, de commercialiser un pansement pour peaux non blanches. Mais l’initiative a fait un flop. Et pour cause : les pansements ciblaient les "peaux bronzées". Pour Therry Tchapnga, c’est cette erreur de marketing qui a fait couler le projet. "On n’assume pas d’écrire le mot noir ! Dire peaux bronzées, c’est n’importe quoi. Le problème de beaucoup de marques, c’est qu’elles ont peur. C’est pourtant strictement scientifique, c’est une typologie de carnations !" Rokhaya Diallo est également sidérée par cette stratégie commerciale : "Peaux bronzées, ça ne veut pas dire peaux noires. C’est pour les personnes blanches qui rentrent de vacances !"
Si le même produit était commercialisé aujourd’hui, avec une stratégie marketing adéquate, Therry Tchapnga est persuadé que les ventes seraient au rendez-vous. Il le voit avec son commerce en ligne : les clients viennent demander des conseils aux pharmaciens de Paraethnik 24 heures sur 24. "Il y a un manque à combler. Mais le problème aujourd’hui, c’est que les pharmaciens des circuits classiques ne sont pas formés pour répondre aux questions des clients à la peau noire pour traiter leurs besoins spécifiques", résume-t-il.
Toutefois, Rokhaya Diallo se refuse au pessimisme. Pour la journaliste, le fait que ses tweets sur le sujet soient devenus viraux est le signe que l’opinion n’est pas indifférente au sujet. "Cette problématique va prendre de l’ampleur. Mais elle a été vécue comme une violence par une partie de la population qui n’est pas prête à en entendre parler" tempère-t-elle, tristement.
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