Hausse des tarifs des complémentaires santé pour les seniors : "C'est le système qui dysfonctionne", dénonce un économiste
"Ce système de complémentaire santé est profondément antisocial", a estimé mardi 26 septembre sur franceinfo l'économiste et président de l'Institut Santé Frédéric Bizard, alors que les tarifs des complémentaires santé ont surtout augmenté pour les seniors. Selon l'étude annuelle de Meilleurtaux assurances, un couple âgé de plus de 60 ans paye sa complémentaire santé 3 000 euros en 2023. "C'est le système qui dysfonctionne", a regretté l'économiste.
franceinfo : Se soigner est-il devenu un luxe quand on a plus de 60 ans ?
Frédéric Bizard : L'étude de Meilleurtaux assurances rappelle que la santé n'est pas gratuite. Quand on laisse penser que c'est votre complémentaire santé qui paye et pas vous, il y a quelque part un reste à charge zéro qui est un leurre. Autant l'Assurance maladie joue un rôle de redistribution sociale, parce que plus vous gagnez de l'argent et plus vous en versez au pot de l'Assurance maladie, autant les complémentaires santé jouent un rôle de régression sociale : moins vous gagnez d'argent et plus le taux d'effort est important. Ce système de complémentaire santé est profondément antisocial.
C'est-à-dire ?
C'est le système qui dysfonctionne : on a séparé les bons risques, c'est-à-dire les actifs, des moins bons risques, c'est-à-dire les retraités. Les seniors payent 100 % à travers des contrats individuels, et dès que vous avez des restes à charge importants, vous avez une pression supplémentaire parce qu'il faut rajouter à ce contrat un reste à charge. Et puis de l'autre côté, vous avez des actifs, dont 50 % de la complémentaire santé est payée par l'employeur, mais avec des contrats collectifs qui 'coûtent un pognon de dingue' comme dirait le président de la République. Ça coûte 10 milliards d'euros d'aides pour les pouvoirs publics, 10 milliards aux entreprises et à peu près 10 milliards aux ménages.
Mais comment expliquer ces augmentations de prix ? Les complémentaires santé disent notamment que l'on assiste à un vieillissement de la population...
Chacun défend son intérêt, notamment les lobbies, c'est normal. Maintenant, quand on regarde les chiffres, tout ça est faux. Le déterminant n'est pas le vieillissement de la population. Parce que le vieillissement de la population entraîne une hausse très importante des dépenses liées aux affections de longue durée remboursées à 100 % par l'Assurance maladie, pas par les mutuelles.
Que faut-il faire pour rééquilibrer les choses ?
Dans l'économie assurantielle, il y a une règle de base : si vous voulez que ça soit efficace, il faut mélanger les moins bons risques avec les bons risques. Si on veut un système efficace, utilisons les mutuelles - qui sont une force de l'économie sociale et solidaire - à travers un système qui viendrait en supplément et pas en complément de l'Assurance maladie. Et surtout un système étendu à l'ensemble de la population, avec les mêmes règles. Mettons une complémentaire publique à la Sécurité sociale et mettons un système d'assurance supplémentaire privé sur des paniers de soins qui soient dédiés.
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