États-Unis : les médecins jeunes prennent-ils mieux en charge les seniors ?
Des chercheurs de l’université de Boston ont analysé plus de 700.000 admissions hospitalières de personnes de plus de 65 ans. Leur objectif : déterminer si le risque de décéder dans les 30 jours suivant l’admission était influencé par l’âge des médecins en charge des patients, ou par d’autres facteurs tel que le nombre de patients vus annuellement par les praticiens [1].
Les résultats publiés mi-mai dans le British Medical Journal révèlent que, dans les hôpitaux étudiés, "malgré des patients de profil similaire", "ceux pris en charge par des médecins plus jeunes avaient une mortalité à 30 jours inférieure à ceux pris par des médecins plus âgés". Les variations étaient significatives dans le cas de praticiens prenant en charge moins de 200 patients par an, mais disparaissaient au-delà.
Les résultats constatés…
Dans le sous-groupe des praticiens traitant moins de 90 cas par an, le taux de mortalité constaté à 30 jours chez les seniors était de 12,7% chez les trentenaires, 14,6% chez les quadragénaire, 16% chez les quinquagénaires, et 17% chez les plus de 60 ans. [2]
Dans le sous-groupe des praticiens traitant de 91 à 200 cas par an, les différences étaient moins tranchées, avec un taux de mortalité constaté à 30 jours de 10,8% chez les trentenaires, 11,2% chez les quadragénaires et les quinquagénaires, et 12,5% chez les plus de 60 ans. [3]
Au-delà de 200 cas suivi annuellement, le taux de mortalité était équivalent dans toutes les classes d’âges, voisin de 10,8%.
…et leur interprétation
Les auteurs de l’étude soulignent que leurs résultats doivent être interprétés avec précaution, appelant à ce que des analyses similaires soient menées dans d’autres hôpitaux des États-Unis, ainsi que dans d’autres pays, afin de déterminer si la tendance ici observée n’est pas le simple fruit du hasard.
Si ces résultats étaient effectivement reproduits ailleurs, de nombreuses interprétations pourraient en être faites, qui ne seraient pas nécessairement le reflet de la réalité.
Parmi les hypothèses déjà formulées par les auteurs de l’étude : ces résultats traduiraient une évolution dans la formation professionnelle depuis trente ans. Aux États-Unis, "la spécialité de la médecine hospitalière a été reconnue pour la première fois dans les années 1990", expliquent les chercheurs. L’étude a, dans les faits, "comparé des médecins qui ont débuté leur carrière [avec cette formation spécifique] avec des médecins qui, [parce que plus âgés], ont commencé leur carrière [dans une branche moins spécifique]". Les données liées à l’expérience des médecins – en rapport avec le nombre de cas traités par an – pourraient appuyer cette analyse. Ce ne serait donc pas le fait d’être âgé qui influerait sur les résultats, mais le fait d’avoir reçu une formation différente. Si l’hypothèse est la bonne, l’effet observé pourrait donc progressivement disparaître avec le renouvellement des générations.
Deuxième hypothèse proposée par les auteurs (mais qui reste à démontrer !) : les médecins âgés pourraient être "moins susceptibles d'adhérer aux préconisations fondées sur des données probantes", moins enclins à "utiliser des traitements à l’efficacité récemment établie" ou à fonder leur diagnostics sur les connaissances médicales "les plus à jour".
Troisième hypothèse : les résultats pourraient éventuellement traduire le fait que les médecins les plus âgés se voient assigner les patients les plus malades. Les chercheurs estiment toutefois que le caractère aléatoire des assignations des patients à des médecins, dans le système hospitalier aux Etats-Unis, écarte a priori ce biais. "Les caractéristiques démographiques et cliniques des patients sont similaires [entre les classes d’âge de praticiens]", soulignent-ils.
la rédaction d’Allocteurs.fr
[1] Trois groupes de médecins hospitaliers ont été étudiés : ceux prenant en charge moins de 90 patients par an, entre 91 et 200, et plus de 201.
[2] Les marges d’erreurs associées à la plupart de ces résultats apparaissent faibles, établissant une différence statistiquement significative entre les trentenaires, les quarantenaires et les plus de cinquante ans.
[3] Les marges d’erreurs associées à la plupart de ces résultats apparaissent faibles, mettant surtout en évidence une différence statistiquement significative entre les moins de cinquante ans et les plus de cinquante ans.
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