Sécurité sociale : "Il faut faire la chasse aux actes inutiles" et "revoir le système de financement"
Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France, a réagi dimanche au projet de loi de financement de la Sécurité sociale, introduit par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn.
La ministre de la Santé Agnès Buzyn va défendre le premier projet de loi de financement de la Sécurité sociale du quinquennat d’Emmanuel Macron à l'Assemblée nationale la semaine prochaine. Elle explique comment elle compte réduire le déficit de la Sécurité sociale de trois milliards d'euros en 2018, dans une interview accordée au JDD.
Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France, qui rassemble les hôpitaux publics et les centres médico-sociaux, invité de franceinfo, estime qu'il faut "plus de contrôles", "une meilleure diffusion des bonnes pratiques", et revoir la tarification à l'acte.
franceinfo : où sont les lits qui, selon la ministre, ne servent à rien dans les hôpitaux ?
Frédéric Valletoux : Ils sont notamment en chirurgie. On sait que dans certaines spécialités, on a une surcapacité. On sait aussi qu'on manque de lits pour les personnes âgées dans les services de médecine générale. Je ne sais pas l'approche par les fermetures de lit est la bonne. Plutôt que de vouloir fermer des lits, il faudrait plutôt les réorienter vers les besoins tels qu'ils s'expriment.
La ministre de la Santé souhaite aussi lutter contre les opérations inutiles, et les actes réalisés deux fois...
C'est un vrai sujet. Ce sont des actes redondants, des actes par mauvaise transmission du dossier du patient. On vous refait des examens quand vous arrivez à l'hôpital, parce qu'on n'a pas les examens que vous avez faits en ville, ou les examens que vous avez faits à l'hôpital ne sont pas transmis à votre médecin généraliste. Tous ces examens redondants, ce sont des milliards [d'euros]. On ne l'a jamais vraiment chiffré, mais les médecins disent eux-mêmes 30 %, et la ministre reprend ce chiffre. Ce n'est pas qu'à l'hôpital, c'est dans tout le système de santé.
Comment éviter ces examens à répétition, comment rationaliser ?
Il faudrait utiliser les outils modernes, les nouvelles technologies, la numérisation, qui permettent de mieux transmettre le dossier du patient, pour fluidifier l'information entre la médecine de ville et la médecine hospitalière. Il faudrait être plus vigilant. Il n'est pas normal que d'un département à l'autre, il y ait parfois des différences de pratiques énormes. On avait regardé sur la césarienne. Le taux de en France est de 17 %. Il y a des établissements qui sont autour de 30 %. C'est à l'Assurance maladie de réguler la chasse aux actes inutiles. C'est un peu la chasse au gaspi, mais c'est essentiel.
Cela implique-t-il plus de contrôles ?
Cela veut dire plus de contrôles, mais aussi une meilleure diffusion des bonnes pratiques, parce que les techniques médicales évoluent, la prise en charge dans certaines spécialités évolue, et parfois, par habitude, on répète les mêmes types d'opérations. Et puis il faut revoir le système de financement. On a une tarification à l'acte qui pousse aujourd'hui à multiplier certains actes pour bénéficier de financements supplémentaires. Il faut le corriger absolument. Cela touche aussi bien l'hôpital (...) que des cliniques commerciales qui se concentrent sur quelques actes médicaux parce qu'ils sont rémunérateurs.
Selon la ministre de la Santé, il est possible d'économiser un milliard d'euros si les hôpitaux mutualisent leurs dépenses, notamment pour les médicaments. Est-ce une politique intéressante ?
C'est intéressant, les hôpitaux le font depuis des années. Il ne faut pas oublier que ces trois dernières années, les hôpitaux ont déjà fait trois milliards d'euros d'économies, ce qui a tendu la situation dans les hôpitaux, et pourquoi on peut parler de souffrance à l'hôpital. Je parle souvent du burn-out de l'hôpital, parce qu'on fait ces économies sans faire les réformes de structure. La ministre est prête à attaquer des réformes de structures. Sur les médicaments, c'est une piste intéressante. Il y a des groupements d'achat qui ont été montés il y a plusieurs années, qui permettent des commandes importantes et donc un bras de fer important avec les laboratoires. Mais ce n'est pas ça qui nous fera vraiment économiser et donc pérenniser un système de santé qui souffre de tiraillements importants.
Agnès Buzyn parle de bonus, d'argent, qui pourrait être versé aux hôpitaux particulièrement vertueux. Qu'en pensez-vous ?
C'est une bonne piste. Les hôpitaux seraient vigilants à ne pas répéter des gestes médicaux qui ne seraient pas forcément utiles. La vigilance dans la prise en charge, la qualité de cette prise en charge, peut permettre qu'on finance mieux. Et puis on parle de plus en plus de prévention. Une consultation qui prend une heure doit être mieux rémunérée qu'une consultation qui ne prend que 20 minutes. Aujourd'hui, elles sont rémunérées de la même manière, et c'est une des faiblesses de notre système. Quand on a des maladies chroniques, des personnes qui souffrent de plusieurs pathologies, il faut pouvoir prendre le temps de l'accompagnement. Aller vers un système plus vertueux, et qu'on l'accompagne par un bonus financier, cela ne me paraît pas une mauvaise piste.
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