Pourquoi sommes-nous devenus monogames ?
Une équipe de chercheurs britanniques affirme que les primates, dont fait partie l'homme, ont renoncé à la polygamie pour éviter les infanticides. Une réponse incomplète.
Comment l'humain s'est-il décidé à vivre en couple ? Pour éclaircir ce mystère, des chercheurs se sont intéressés au comportement de centaines d'espèces, afin de remonter aux racines de la monogamie. Car l'homme n'est pas le seul à préférer la vie à deux. Mais les résultats de deux études britanniques, relayés lundi 29 juillet par le New York Times (en anglais), divergent.
La monogamie, qui existe chez 90% des oiseaux, est plus rare chez les mammifères. En tout, une douzaine d'espèces choisissent leur partenaire à la vie à la mort. Parmi elles, les cygnes, certains loups, les dik-dik (petites antilopes) les gibbons et quelques grands oiseaux comme les aigles ou les albatros. D'autres pratiquent une monogamie plus souple, plus proche de celle des hommes. Francetv info remonte les différentes pistes envisagées pour expliquer la nôtre.
Pour éviter les infanticides
Si l'homme est un primate comme les autres, alors l'anthropologiste Christopher Opie, de l'University College de Londres (Royaume-Uni) est sur la bonne voie. Son équipe a examiné l'évolution sur 75 millions d'années de 230 espèces de primates, une famille où la monogamie est plus présente que chez la grande majorité des mammifères. Conclusion, publiée dans la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences (en anglais) : le risque d'infanticide a poussé les mâles de certaines espèces à protéger la mère de leur progéniture.
En effet, chez les mammifères, les mâles tuent parfois les petits qui ne sont pas les leurs. Ils agiraient de la sorte pour pouvoir s'accoupler avec la mère, qui cessant d'allaiter à la mort de son bébé, recommence à ovuler. C'est ce qui aurait poussé le géniteur à rester près d'elle, afin d'assurer la survie de ses héritiers.
Pour assurer la reproduction
De leur côté, Dieter Lukas et Tim Clutton-Brock, de l'université de Cambridge (Royaume-Uni) ont étudié les habitudes de 2 545 espèces de mammifères sur 170 millions d’années. Ils ont constaté qu’à plusieurs reprises, certains passent de la vie en solitaire à la vie de couple.
Les chercheurs ont alors trouvé un point commun : la monogamie s’impose quand les femelles deviennent hostiles les unes envers les autres. Elles vivent alors éloignées, si bien qu'un mâle seul ne peut prétendre protéger plusieurs femelles de la convoitise des autres mâles. En restant auprès d’une seule femelle, il assure donc plus facilement sa reproduction, selon l'étude publiée dans la revue Science (en anglais).
A cause d'une hormone
Avant ces études menées sur les cousins plus ou moins proches de l'homme, des scientifiques avaient déjà cherché la raison de la monogamie chez le principal intéressé. Des chercheurs de l'université de Bonn (Allemagne) ont ainsi étudié l'effet de l'ocytocine. Une hormone qui, si elle ne crée pas la monogamie, permettrait toutefois de la faire durer, explique Rue89. L'ocytocine est parfois même appelée "hormone de l'amour" : plus une personne en sécrète, plus elle est attirée par une autre et plus elle s'y attache.
Mais l'ocytocine engendrerait, en sus, un attachement exclusif. Les scientifiques ont fait inhaler cette hormone à des hommes hétérosexuels, célibataires ou en couple, avant de leur présenter une femme jugée attirante. Ils ont ainsi constaté que les hommes en couple ayant pris une dose d'ocytocine maintenaient une distance plus importante (15 cm) avec cette femme que ceux qui n'avaient rien inhalé. "L'hormone n’inhibe pas l’attraction, mais elle empêche l’homme de s’approcher trop et de se montrer disponible pour un jeu de séduction", résume Rue89.
Sommes-nous vraiment monogames ?
Ces études comportent toutefois des limites. D'abord, elles ne portent que sur la modification du comportement des mâles. Or, ce qui semble justifié pour les animaux, qui doivent assurer la survie de l'espèce avant toute chose, ne l'est pas pour l'homme moderne, dont la reproduction n'est pas menacée.
En outre, les deux études britanniques réalisées sur des centaines d'espèces de mammifères ne peuvent, à elles seules, apporter une réponse à la monogamie humaine, estime Meg Barker, sexologue et professeure de psychologie au Royaume-Uni. "Si l'on remonte le temps et les cultures, on observe une grande diversité de relations, de structures et de règles", écrit-elle dans le Guardian (en anglais).
"Il y a davantage de sociétés polygames que monogames (…) et dans les sociétés monogames, la non-monogamie cachée ou le fait de connaître plusieurs relations monogames dans une vie sont en fait la norme", ajoute la psychologue. Et de citer l'exemple des couples libres, des familles recomposées ou encore des couples homosexuels, qui éloignent le comportement humain de la stricte monogamie de très rares espèces animales, où un mâle et une femelle sont ensemble jusqu'à ce que la mort les sépare.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.