Djihad : sortir de l'emprise
"En Syrie, j'ai trouvé le contraire de ce que j'imaginais trouver, pas de solidarité, les clans, les groupes... alors que je pensais trouver l'union, la solidarité, l'amour, la paix. Mais non, c'était la violence, la guerre, beaucoup de choses que j'aurais jamais pensé voir un jour dans ma vie", témoigne Inès. Fragile, sensible, Inès se cherchait. C'est sur Internet que la jeune fille a trouvé du réconfort auprès d'inconnus qui l'ont convaincue de tout quitter. En à peine trois mois, Inès rompt avec sa famille, ses amis, sa scolarité pour aller faire le djihad en Syrie.
Ce cas de figure, Dounia Bouzar, directrice générale du CPDSI, le connaît bien. Depuis plusieurs années, elle travaille sur les méthodes de radicalisation : "Ils vont individualiser le motif d'embrigadement. C'est-à-dire qu'ils vont faire parler le jeune et ils vont s'adapter à son profil psychologique. Si c'est un jeune qui a besoin d'être utile, ils vont lui proposer un motif humanitaire. Si jamais c'est un jeune qui a besoin de protection, ils vont lui faire miroiter une carapace, un mari héros et un mode de société qui va le protéger. Si c'est un jeune qui a la haine, qui a envie de se venger, ils vont lui proposer une raison de s'engager dans le djihad liée à la haine et à la vengeance", explique-t-elle.
Le profil inattendu des candidats au djihad
Ce 23 janvier 2014, Foad n'a rien vu venir. Sa petite soeur de 15 ans a rejoint, elle aussi, les rangs de l'Etat islamique avec pour objectif de venir en aide aux enfants gazés par Bachar El-Assad. Des rabatteurs lui promettent alors qu'elle aura en charge un orphelinat.
"C'est une fille super intelligente, elle a voulu être médecin. Elle s'est faite avoir. Elle n'avait rien à voir avec la délinquance, le plus important pour elle c'était ses études, c'est son coeur qui l'a trahi. Ils nous l'ont volé mentalement et physiquement", analyse Foad.
Radicalisation : l'incompréhension des familles
"Il n'y pas de profil type de jeunes embrigadés. On a des jeunes de familles athées, musulmanes et même juives. Certains habitent la Bretagne, d'autres des cités, d'autres le XVI à Paris. Evidemment, on se dit que si les rabatteurs arrivent à embrigader de jeunes stables, combien de jeunes instables peuvent être embrigadés sans même qu'on le sache ?", s'inquiète Dounia Bouzar.
En 2015, plus de 300 familles ont fait appel au centre de prévention des dérives sectaires liées à l'islam. Pour les aider à "désenrôler" leurs enfants de l'idéologie de Daesh, l'association les accompagne et propose aussi des groupes de paroles.
Dounia Bouzar explique qu'"on ne peut pas désembrigader quelqu'un si on n'a pas compris comment Daesh l'a mordu. Il faut remonter à la source, il faut savoir pourquoi il s'est engagé... et à partir de cette expérience, il faut l'amener à s'engager autrement. Il faut reconnaître son histoire, reconnaître son processus d'embrigadement, le décortiquer et lui-même doit faire sa rétro-analyse".
Désembrigader les jeunes
Désembrigader les jeunes, Dounia Bouzar y travaille avec l'aide du Dr Serge Hefez, psychiatre. Depuis quelque temps, ils sont très sollicités car enseignants et soignants se sentent démunis.
Pour le Dr Serge Hefez, "il y a besoin de psychiatres, mais la plupart ne savent pas s'occuper de ces situations nouvelles parce qu'ils pensent qu'on est dans une croyance, dans une adhésion religieuse, or la psychiatrie n'a rien à voir avec les croyances religieuses qui rélèvent de la liberté de chacun. Comprendre le basculement entre la liberté de conscience qui appartient à chacun et le basculement sectaire où on n'est plus soi-même, ce n'est pas évident pour la plupart des psys".
Depuis la création du centre de prévention, 700 jeunes radicalisés ont été pris en charge.
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