Vers une réduction de la vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires
À l'issue d'un Conseil interministériel de sécurité routière (CISR) qui doit se tenir ce 9 janvier, le gouvernement doit officialiser diverses mesures parmi lesquelles l'abaissement à 80 km/h de la vitesse maximale sur 400.000 kilomètres de routes secondaires.
Cette décision survient alors que la mortalité routière est repartie à la hausse depuis 2014. La France n'avait plus connu augmentation aussi durable depuis 1972, et la tendance de 2017 n'est pas bonne : +0,9% de morts sur les onze premiers mois par rapport à 2016.
De sources concordantes, la vitesse maximale autorisée sur les routes à double sens sans séparateur central doit être abaissée de 90 km/h à 80 km/h, avec une entrée en vigueur au 1er juillet.
C'est sur les routes à double sens hors agglomération, majoritairement limitées à 90 km/h, que se sont concentrés en 2016 55% des accidents mortels, soit 1.911 des 3.477 tués sur la route. La vitesse "excessive ou inadaptée" était impliquée dans un tiers (32%) des accidents mortels.
Une mesure impopulaire ?
"Je refuse de considérer [la hausse du nombre de morts] comme une fatalité", a déclaré au Journal du Dimanche le Premier ministre Edouard Philippe. "Si pour sauver des vies, il faut être impopulaire, j'accepte de l'être", a-t-il insisté.
Du côté du gouvernement, on dresse le parallèle avec d'autres "mesures de rupture", comme l'obligation du port de la ceinture de sécurité à l'avant en 1973 ou l'instauration des radars en 2002. Prises malgré l'hostilité des automobilistes, elles ont contribué à quatre décennies de recul de la mortalité routière.
Depuis plusieurs années, l'abaissement de la limitation de vitesse sur les routes secondaires est source d'interminables débats. Redouté par les gouvernants en termes d'opinion publique, le choix n'a jamais été tranché.
Une expérimentation entre 2015 et 2017
Invoquant le "pragmatisme", Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur du gouvernement Valls, a ainsi préféré lancer en 2015 une expérimentation a minima sur 81 kilomètres de routes, qui s'est achevée le 1er juillet 2017.
Aucun résultat n'a été rendu public. Une note envoyée aux préfets par la Sécurité routière en a toutefois résumé les effets : sur les tronçons-tests, les vitesses moyennes ont diminué, aucun bouchon supplémentaire n'a été constaté. Mais les éventuels effets sur la mortalité n'ont pu être mesurés.
"Si les données d'accidentalité disponibles ont marqué une tendance positive, la période considérée et le faible nombre de kilomètres concernés sont trop réduits pour pouvoir en tirer des conclusions définitives", est-il expliqué dans cette note.
Le président du Sénat Gérard Larcher (LR) a demandé "solennellement" ce 7 janvier la publication des résultats de cette expérimentation.
200 à 400 vies sauvées par an
Selon le gouvernement, reprenant des projections d'experts du Conseil national de sécurité routière, une baisse de 10 km/h permettrait de sauver "entre 200 et 400 vies par an".
"On pourrait même atteindre 600 si on la fait vraiment appliquer", assure la présidente de la Ligue contre la violence routière, Chantal Perrichon.
Les associations d'automobilistes et de motards sont vent debout contre la décision. Elles dénoncent, à l'instar du président de 40 millions d'automobilistes Daniel Qero, une "décision plus politique que rationnelle". "On s'accroche à ce totem de la vitesse. Mais on a augmenté le nombre de radars depuis 2014 et rien n'a changé. On ne peut pas attendre des résultats de cette mesure", fulmine-t-il.
Dans un communiqué de presse diffusé le 5 janvier, plusieurs personnalités ont en revanche manifesté leur soutien au projet. "Plus d’un tué sur deux, le tiers des blessés hospitalisés plus de 24h, voilà le triste bilan de l’accidentologie du réseau bidirectionnel. Il n’y a aucun argument pour renoncer à cette mesure, sauf à considérer que l’on peut se priver d’un gain de 350 à 400 vies chaque année", insistent les signataires. "Tous les travaux des experts, les éléments d’analyse en situation confirment que la réduction des vitesses de circulation entraîne une réduction du nombre et de la gravité des accidents : moins de perte de contrôle ou de trajectoire, réduction des distances d’arrêt, énergie cinétique moindre lors d’un choc donc lésions corporelles moindres, voilà quelques évidences scientifiques qu’il ne faut pas oublier à l’heure de décider".
Selon eux, ces réduction "n’aura aucun effet délétère : même les temps de route ne subiront pas d’allongement significatif puisque le trafic sera plus fluide et mieux régulé", affirment-ils en citant à l'appui également la "réduction des consommations de carburant avec le double impact économique et écologique". Il est par ailleurs "indécent de parler de « pompe à fric » alors que respecter la limitation permet à chacun d’éviter la sanction et qu’il ne faut jamais oublier le coût humain et économique de l’accidentologie", ajoutent-ils.
L'appel est signé par Manuel Valls, mais également les ex-présidents du Conseil National de la Sécurité Routière Arnaud Jung et Robert Namias, Frédéric Péchenard, ex-délégué Interministériel à la Sécurité Routière, Philippe Lauwick, président de l’Automobile Club Médical de France et Éric Elkouby, membre du Groupe d’Etudes Sécurité Routière.
avec AFP
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