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Urgences hospitalières : "On est le dernier maillon de la chaîne, il va craquer"

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Article rédigé par franceinfo
Radio France

Mathias Wargon, chef de service des urgences SMUR de l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) dresse un constat alarmant sur la situation des urgences en France, alors que le plan hôpital est attendu pour la rentrée.

"On demande [au milieu hospitalier] de tenir dans un système qui s'effondre, on ne va plus y arriver", met en garde Mathias Wargon, chef de service des urgences SMUR de l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) sur franceinfo, mardi 21 août. La ministre Agnès Buzyn doit présenter à la rentrée une réforme globale très attendue du système de santé

franceinfo : Cet été a-t-il été difficile au centre hospitalier de Saint-Denis ?

Mathias Wargon Oui, l'été a été difficile, mais il a suivi un hiver difficile. On a fait face aux mêmes problèmes qu'habituellement. Heureusement, la canicule ne s'est pas trop mal passée, avec quand même une augmentation de patients fragiles. Pas forcément liée à la canicule en elle-même, mais des patients qui étaient fatigués. Mais le problème ce n'est plus cet été, le problème c'est l'hiver prochain. On nous demande de tenir dans un système qui s'effondre et on ne va plus y arriver. On a l'impression d'être le dernier maillon de la chaîne et le dernier maillon de la chaîne va craquer.

Avec notamment des problèmes de remplacements et des plannings très difficiles à tenir ?

Des plannings impossibles à tenir. Soit on tient des plannings impossibles, avec des gens qui vont finir par s'arrêter ou démissionner ; soit on ne tient pas les plannings et, dans ces cas-là, on ferme des lits. Cela veut dire des patients qui restent aux urgences, qui sont sur des lits aux urgences. Et donc soit on augmente la durée de séjour, soit on risque la vie.

Qu'attendez-vous de ce plan hôpital ?

Personnellement, je n'en attends pas grand-chose, je ne pense pas qu'il va y avoir de révolution. Cela fait 25 ans qu'on voit le système se dégrader. On a mis des moyens aux urgences pour pallier des problèmes extérieurs et il y a un moment, ça ne tient plus. Le système public se dégrade fortement. Une situation concrète, par exemple : dans les hôpitaux psychiatriques, les patients restent des heures, voire plus de 24 heures, attachés sur un brancard parce que les conditions de sécurité ne sont pas réunies. Il y a des patients qui passent des nuits aux urgences, ou alors parce qu'on fait un effort, on les hospitalise, mais en chirurgie, alors que ce sont des patients de médecine générale, ils ne sont donc pas correctement pris en charge. Moi, je n'arrive plus à embaucher de médecins français, parce qu'ils trouvent des boulots mieux payés, moins difficiles à l'extérieur, sans gardes, sans week-end. Donc je n'embauche plus que des médecins étrangers, qui sont compétents, mais cela veut dire que l'on ne trouve plus de médecins français. 

Le gouvernement n'envisage pas de faire d'économies, mais n'envisage pas non plus de mettre plus d'argent dans l'hôpital. Il s'agit donc de faire mieux avec autant, qu'en pensez-vous ?

Je ne sais pas comment ils vont faire, ils sont sûrement plus intelligents que moi. Moi, ce que je sais, c'est qu'il y a en permanence un double discours qui dit, d'un côté que oui, on va améliorer l'hôpital public ; et de l'autre, les agences régionales de santé, qui sont des monstres bureaucratiques, nous demandent de faire plus d'économies, de faire plus attention. On est pris entre le marteau et l'enclume.

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