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Un médecin coordinateur dans un Ehpad de Vendée menace de démissionner : "C'est un cri d'alarme, un cri de désespoir"

Marcellin Meunier menace de démissionner s'il n'obtient pas de personnel supplémentaire. Il dénonce une situation qui mène à "la maltraitance" de personnes dépendantes.

Article rédigé par franceinfo
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Marcellin Meunier menace de démissionner s'il n'obtient pas rapidement plus de moyens humains pour l'établissement qu'il coordonne. (MARC BERTRAND / FRANCE-BLEU LOIRE OCÉAN)

Alors qu'un projet de loi sur la prise en charge de la dépendance est prévu à l'automne prochain, Marcellin Meunier, gériatre, médecin coordinateur de l'Ehpad de Notre-Dame-de-Monts (Vendée), a publié un message sur Facebook dans lequel il rappelle l'urgence de la situation et menace de démissionner dans les deux mois si l'établissement n'obtient pas de personnel supplémentaire. Vendredi 10 mai, sur franceinfo, le médecin affirme lancer "un cri d'alarme, un cri de désespoir", pour les patients et les soignants.

franceinfo : Pourquoi menacez-vous de démissionner ?

Marcellin Meunier : J'ai lancé un ultimatum pour faire bouger les choses, puisque nous sommes dans une situation d'urgence, où la maltraitance qui s'installe insidieusement ne fait qu'augmenter. Une maltraitance qui n'est pas celle d'un déséquilibré isolé qui maltraiterait physiquement une personne, mais celle d'un grand nombre de personnes soignantes tenues de soigner et d'assister des gens dépendants et faibles, par définition, et qui n'en n'ont plus les moyens.

Combien y a-t-il actuellement de soignants dans l'Ehpad dans lequel vous intervenez ?

Environ 60 soignants. Il en faudrait au moins une quinzaine de plus. Actuellement, 15 sont en arrêt-maladie, ce qui vous montre l'ampleur du désarroi du personnel. Aujourd'hui, les soignants, les agents des services sociaux, les aides-soignants, les infirmiers courent tout le temps pendant 7 heures 45, sont corvéable à merci.

Du fait du nombre d'arrêts de travail importants dûs aux conditions de travail, la charge ne fait qu'augmenter, avec des répercussions sur la vie familiale, privée, qui passe vraiment au second plan.

Marcellin Meunier

à franceinfo

La deuxième conséquence est une diminution insidieuse des soins. On ne peut plus faire manger les gens à leur rythme quand on est deux au lieu de quatre à faire manger cinq personnes, on ne peut plus les changer le soir quand ils ont trempé toute la journée dans leur garniture de pipi, on n'a plus le temps de leur faire une petite toilette pour les mettre au propre avant de les changer, on n'a plus le temps de les emmener aux toilettes quand ils sont trop nombreux à vous solliciter pour y aller. On leur dit "vous avez une garniture, vous avez un change". C'est très humiliant.

Je le souligne à nouveau, ce n'est surtout pas contre "mon" personnel mais avec. Le "mon" est affectif. Je suis avec eux, parce que, grâce à un grand écart permanent, ils arrivent à faire face et à masquer la misère. Mais ils n'en peuvent plus. Je les vois pleurer tous les jours, je vois des burn-out, je vois des gens qui sont épuisés, qui font des troubles musculo-squelettiques. On nous parle d'"Humanitude" [un nouveau label pour les Ehpad]. Hier j'ai eu un médecin du conseil général qui est venu me voir et m'a demandé "Avez-vous fait la formation Humanitude ?", mais j'avais envie de lui dire : donnez-nous déjà les moyens d'aller changer ou d'assister les gens dans leurs besoins élémentaires avant d'aller faire des formations supplémentaires, qui sont nécessaires, certes, mais qu'on ne peut pas faire actuellement.

Que vous répond la direction de l'Ehpad ?

La direction de l'Ehpad est complètement démunie entre les différentes institutions qui financent l'établissement : entre l'Agence régionale de santé dans sa tour d'ivoire et le conseil général qui ne tend qu'à dédramatiser, leur discours est "il ne faut pas exagérer."

Est-ce que quelqu'un à la mairie, ou au département, ou à l'Agence régionale de santé vous a fait signe depuis votre publication sur Facebook ?

Personne. À la mairie, j'ai eu des concertations avec le maire. Des choses sont en cours. Monsieur le maire, je ne le cache pas, se bat depuis des années par voie réglementaire, sans trop de bénéfice. En tout cas je ne l'ai pas vu. Monsieur le député de la circonscription m'a tout de suite appelé pour me dire "on va faire des choses". Je l'en remercie, et on a une réunion ce samedi à l'Ehpad pour mettre au point une stratégie pour faire face à l'urgence, et pour répercuter la situation au niveau national, auprès des services de la présidence de M. Macron. C'est un cri de détresse que je lance, qui est relayé par les soignants sur Facebook, plus de 13 000 partages après mon post, plus de 3.000 commentaires. L'ARS et les conseils départementaux ne peuvent plus nier et minimiser la situation.

Je ne veux plus entendre "Monsieur Meunier exagère un peu". Monsieur Meunier n'exagère pas, il démissionne dans deux mois si les choses ne changent pas dans son établissement, et il faut que ça change au niveau national.

Marcellin Meunier

à franceinfo

Ce sont vos anciens, et nous, demain. Ce sont des humains ! Je réclame pour eux une dignité et je réclame aussi une dignité pour le personnel des établissements. C'est un cri d'alarme, un cri de désespoir.

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