Pleurer Prince comme un être cher, est-ce bien raisonnable ?
" J’ai le cœur déchiré ", sanglote une fan de Prince à Minneapolis, le soir de la mort du chanteur. Et elle n’est pas la seule à le pleurer. Ils sont des milliers. Et sur les réseaux sociaux, partout dans le monde, les commentaires affectés pleuvent.
Pourtant, toutes ces personnes ne connaissaient pas personnellement Prince. Beaucoup ne l’avaient même pas vu en concert. Alors, pourquoi tant de larmes ? " Des personnes peuvent établir des relations affectives profondes avec des célébrités qu'elles n'ont jamais vues en réalité et avoir des réactions de deuil ", commente Michael Brennan, sociologue de l'Université Hope de Liverpool. La psychologue Hamira Riaz note qu'on retrouve les phases typiques du deuil sur des forums comme Twitter, après le décès de Prince. "Il y a d'abord eu le choc et le déni, puis un sentiment de colère face à la répétition de décès de stars comme Prince et David Bowie, suivi d'une sorte de dépression ", a-t-elle expliqué par téléphone à l'AFP depuis Londres.
Fragilité individuelle
Pour le Pr Antoine Pelissolo, chef de service du Pôle de Psychiatrie du CHU Henri Mondor à Créteil, vivre un véritable deuil à la mort d’une personnalité n’est pas normal. C’est l’intensité et de la durée de la tristesse qui suit la perte qui marque la frontière entre le normal et le pathologique. " Il est naturel de vivre comme un événement pénible la disparition de quelqu’un à qui on était attachés, même si on ne le connaissait pas. En revanche, être en deuil, dans la durée, avec une sensation de manque persistante, ne l’est pas ", explique le psychiatre à Allodocteurs.fr.
De nombreux psychologues rappellent par exemple l'impact du décès de la princesse Diana dans un accident de voiture à Paris en 1997, l'un des tout premiers " deuils " collectifs à l'échelle de la planète. Au cours du mois qui a suivi ses obsèques, les suicides en Angleterre et dans le pays de Galles ont augmenté de 17,4%, selon une étude publiée en 2000 par le British Journal of Psychiatry. Tout le monde n’est évidemment pas enclin à mettre fin à ses jours suite au décès d’un " people ". Carie Schuster, psychologue britannique, estime que beaucoup de ceux qui se sont suicidés souffraient déjà de dépression et que le décès de Diana "a provoqué un déséquilibre émotionnel catastrophique chez certains d'entre eux. "
Echo personnel
La Génération X (les personnes nées entre les années 1960 et 1980) semble être la plus touchée par la mort de Prince, dans la mesure où sa musique a accompagné la vie de ces jeunes adultes. Avec son décès, beaucoup se souviennent de cette période, avec le regret de ne pas avoir réussi à réaliser certains de leurs rêves. Ceci peut "entraîner des réactions de deuil dans lesquelles les fans ne pleurent pas seulement la perte de leur icône, mais des aspects de leur vie personnelle qui se sont retrouvés étroitement liés avec elle ", relève M. Brennan. C’est en quelque sorte la mort de l’adolescent que nous avons été. Que nous sommes encore ? "Etre excessivement attaché à une personnalité signe une sorte d’immaturité affective, comme celle qui caractérise l’adolescence", note le Pr Pelissolo.
Ce décès est "une piqûre de rappel pour tous ceux qui pensent qu'on a l'âge qu'on accepte d'avoir, alors que de toute évidence, ce n'est pas vrai ", ajoute Mme Riaz. Le décès de la star peut également être plus difficile à surmonter "à cause de sa proximité avec le décès de David Bowie", décédé d'un cancer en janvier. Souhaitons que les autres idoles de la génération X passent l’année... au risque de voir toute une classe d’âge sombrer dans le spleen.
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