Cet article date de plus d'onze ans.

Particules fines : sept questions et des poussières

Un Français sur cinq vit dans une zone touchée par ces polluants invisibles, liés à l'activité humaine, d'après le bilan 2011 de la qualité de l'air. 

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Douze millions de Français sont exposés aux particules fines, nocives pour la santé et rejetées notamment par les moteurs diesel. (ON)

SANTE - La menace est invisible, mais bien réelle. Près d’un Français sur cinq vit dans une zone polluée aux particules fines, d’après le bilan 2011 de la qualité de l’air, publié lundi par le ministère de l’Ecologie et du Développement durable.

En juin, Bruno Guibeaud, président d'Europe Qualité Expertise (EQE), n’hésitait pas à comparer, dans Le Parisien, les particules fines émises par les moteurs diesel avec le problème de l’amiante. FTVi fait le point sur cette question sanitaire.

Les particules fines, c'est quoi ?

L’air est saturé de particules en suspensions. Leur origine est très variée. Elles peuvent être naturelles : poussières, cendres ou pollen. Mais pour l’essentiel, elles proviennent de réactions chimiques dues aux activités de l’homme. On les retrouve dans les gaz d’échappement, mais elles sont aussi rejetées lors du chauffage domestique et par les activités agricoles, industrielles ou énergétiques.

Les chercheurs en distinguent deux types. Les plus grosses, au diamètre inférieur à 10 microns (PM10) et les plus fines, à 2,5 microns (PM2,5). Ces dernières sont particulièrement nocives, puisqu’elles pénètrent au plus profond des poumons.

Quels sont les risques pour l’homme ?

En s'enfonçant dans les bronches, les particules fines provoquent la sécrétion de glaires et l'essoufflement. Elles peuvent aussi pénétrer dans le sang et l'épaissir. Conséquence ? Elles favoriseraient ou aggraveraient les maladies pulmonaires (bronchites chroniques, asthme, cancers du poumon...) et cardiovasculaires (accidents vasculaires cérébraux, infarctus…)

Alain Murez préside la Fédération française des associations et amicales de malades, insuffisants ou handicapés respiratoires (FFAIR). Atteint de broncho-pneumopathie chronique obstructive à la suite d'une exposition aux vapeurs chimiques, il redoute particulièrement les embouteillages et leurs lots de particules. Contacté par FTVi, il raconte ses "essoufflements beaucoup plus importants, un sentiment d’oppression". "Je vais faire dix mètres, puis reprendre mon souffle, poursuit-il. J’essaie d’éviter les sous-bois, les forêts, qui retiennent les particules et font office d’autocuiseur. J’évite tout bonnement de sortir, surtout quand il fait beau."

Tous les habitants des grandes villes sont concernés. D'après Aphekom, une étude menée à l'échelle des 25 pays européens, certains habitants voient même leur espérance de vie diminuer. Faute de respecter les normes mondiales (10µg/m3), Marseille prive ses habitants de 7,5 mois  d'espérance de vie, contre 5,8 à Paris, 5,7 à Strasbourg ou 3,6 à Toulouse. 

Enfin, d’après l’Association santé environnement France (ASEF), qui regroupe 2 500 médecins, on constate davantage d'hospitalisations, d'infarctus et d'AVC les jours où les concentrations de particules fines sont élevées.

Combien de décès peut-on attribuer à cette pollution ?

A l’échelle du monde, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recensait en 2008 plus de deux millions de décès par an liés à la pollution de l’air (voir la carte interactive). Les grandes puissances émergentes sont particulièrement frappées, Chine en tête (470 000 décès), devant l’Inde (168 000) et la Russie (68 000). La même année, en France, la mauvaise qualité de l’air aurait joué un rôle dans 7 535 décès. Un million de vies pourraient être épargnées si les normes de l’OMS étaient respectées.

Mais d’autres chiffres sont encore plus alarmistes. En France, ce sont 42 000 décès par an qui seraient dus aux particules fines, d’après un programme mené par la Commission européenne en 2005. C’est ce chiffre qui est aujourd’hui retenu par la plupart des acteurs du dossier.

Qui rejette des particules fines ?

Les particules sont essentiellement produites par l’activité humaine. Selon les chiffres du Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), le chauffage domestique compte autant que la transformation d’énergie par l’industrie (30%), devant l’utilisation d’engrais dans l’agriculture (20%) et les transports, marqués notamment par la combustion de diesel (15%). 

Pour autant, c’est ce dernier qui concentre l’essentiel des critiques. Bruno Guibeaud estime dans Le Parisien que "ceux qui roulent peu, moins de 10 000 km par an, et ils sont nombreux, ne devraient jamais rouler avec un diesel. C'est criminel". Et pour Denis Baupin (EELV), il est également grand temps de s’en débarrasser. Dans un communiqué diffusé lundi, le vice-président de l’Assemblée nationale propose de supprimer "les niches fiscales favorisant ces véhicules, en aidant les véhicules les plus propres et les plus sobres".

De leur côté, les constructeurs rappellent qu’ils ont fait de nombreux efforts pour réduire les émissions des moteurs diesel. Le site de Challenges précise qu’une "voiture neuve émettait en 1992 autant de polluants que quatre voitures neuves aujourd’hui".

Comment la qualité de l’air est-elle contrôlée ?

Sept sites sont plus particulièrement touchés, tous situés à Paris, Marseille et Fort-de-France. Ils dépassent le seuil maximum de PM10. Mais c’est l’ensemble des villes françaises qui sont concernées, tout comme les fonds de vallée. Fin juillet, Rouen et Le Havre n’ont ainsi pas été épargnées.

Pour contrôler la qualité de l’air, des centaines de stations de mesure sont installées dans toutes les grandes villes de France, à chaque fois gérées par un Observatoire de l’air régional (Airparif en région parisienne, Oramip en Midi-Pyrénées…).

En cas de fort taux de particules dans l’air, un décret paru en 2002 a prévu deux niveaux d’alerte. Un premier "d’information et de recommandation" (50 µg par m3), lorsque les seuils présentent des risques pour les personnes à risque (enfants, personnes âgées ou souffrant de maladie cardiaque ou respiratoire). Et un second "d’alerte" (80 µg par m3), qui s’adresse à l’ensemble de la population.

Lorsque ces niveaux sont déclenchés par la préfecture, il est demandé aux automobilistes de réduire leur vitesse de 20km/h, aux industriels de vérifier "le bon fonctionnement des dispositifs de dépoussiérage" et aux particuliers de ne pas allumer de feux inutiles, cheminées ou barbecues. Il est aussi conseillé d’éviter les activités physiques ou de fumer, pour ne pas accentuer les éventuelles difficultés respiratoires.

Que fait la France pour lutter contre cette pollution ?

Le gouvernement mise sur les Zones d’actions prioritaires pour l’air (Zapa), instaurées lors de loi Grenelle 2 en 2011. L’une des idées est de limiter voire d’interdire l’accès d’une ville aux véhicules trop pollueurs. Sept villes sont candidates, après la défection de Nice : Paris, Saint-Denis, Clermont-Ferrand, Grenoble, Lyon, Aix-en-Provence et Bordeaux. Objectif : réduire de 30% les particules polluantes d’ici à 2015.

Mais face à des normes jugées trop strictes, le projet prend du retard. Le 12 juillet, le ministère de l’Ecologie a compris les réticences des candidats, jugeant le dispositif "trop rigide et socialement injuste". La copie est donc à revoir.

Exceptés le monoxyde de carbone et le dioxyde de soufre, la France n’a pas su maîtriser ses émissions nocives en 2011. Elle reste l’un des mauvais élèves au niveau européen et s'expose à de lourdes sanctions financières de la Commission européenne, qui l'a assignée devant la Cour de justice la même année. Le ministère de l’Ecologie devrait évoquer la question des particules fines lors de la conférence environnementale, les 14 et 15 septembre.

Comment limiter les risques ?

Sans surprise, mieux vaut éviter de sortir lorsque la circulation est dense. L’étude européenne Aphekom rappelle qu’habiter "à proximité du trafic routier augmente sensiblement la morbidité attribuable à la pollution atmosphérique". Encore faut-il pouvoir déménager...

Fréquemment porté dans les mégalopoles polluées d'Asie, le masque antipollution n’a pas prouvé son efficacité. "Porter un masque ne sert à rien" estime le Pr Denis Chardin sur le site du Figaro, puisque "les particules fines les traversent".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.