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"On complexifie le système de manière aberrante" : les essais cliniques au cœur de la protestation de l'industrie de la recherche

Des entreprises de technologies innovantes dans le domaine de la santé ont adressé mercredi une lettre à la ministre de la Santé, révèle franceinfo. Elles demandent une simplification du processus d'autorisation des essais cliniques sur l'homme.

Article rédigé par Bruno Rougier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Une chercheuse de l'Inserm à Pessac (Gironde), le 29 octobre 2014. (REGIS DUVIGNAU / REUTERS)

Franceinfo vous révèle mercredi 13 décembre que les entreprises de technologies innovantes dans le domaine de la santé ont adressé une lettre ouverte à la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Ces industriels dénoncent des lourdeurs administratives permanentes qui les empêchent de réaliser des essais cliniques en France, alors qu'ils sont indispensables pour s'assurer de l'efficacité d'un traitement et de sa non-toxicité.

Face à ces difficultés récurrentes, la plupart des entreprises réalisent leurs essais cliniques à l'étranger. Ainsi, près de 70% des essais cliniques des entreprises françaises innovantes sont aujourd'hui réalisés en dehors de nos frontières. 

Alléger le tirage au sort, recruter des compétences

La route de la recherche médicale n'est pas un long fleuve tranquille. "Dès que l'on passe [à l'expérimentation] chez l'homme, nous devons avoir l'agrément de l'ANSM [Agence nationale de sécurité du médicament] et de comités de protection des personnes pour pouvoir réaliser nos essais", détaille ainsi Maryvonne Hiance, la présidente de France Biotech. Mais pour obtenir cette autorisation, il faut être patient : 

Les délais sont considérables pour avoir les autorisations de réaliser les essais cliniques. En France, on peut mettre 12 à 18 mois, contre 4 mois en Belgique par exemple.

Maryvonne Hiance, présidente de France Biotech

à franceinfo

Face à ces délais beaucoup trop longs, les entreprises demandent à Agnès Buzyn de simplifier le processus d'agrément. "Garder les comités de protection des personnes parce qu'il faut protéger les patients, c'est évident. Mais il faut alléger le processus de tirage au sort parce que vous tirez un expert dans le domaine de l'orthopédie alors que vous présentez un dossier d'immunologie. Donc il faut piocher un autre expert et ça prend des mois. On complexifie le système de manière aberrante." Autre demande : recruter des personnes compétentes pour gérer ces comités. "Là où il faut quatre personnes, il n'y en a qu'une", déplore-t-elle. 

Délocalisation en Belgique, Angleterre, Italie...

Les craintes des professionnels des biotechnologies de la santé sont liées à l'avenir de la recherche médicale en France. Actuellement, 70% des essais cliniques des entreprises de France Biotech sont réalisés à l'étranger mais cette proportion est en constante augmentation depuis des années. 

Pour une entreprise de bio-technologies française, c'est simple : elle va en Belgique.

Maryvonne Hiance, présidente de France Biotech

à franceinfo

La Belgique a au moins deux avantages : c'est un pays proche de la France et francophone. Le tout est source d'économies. "Ça coûte le moins cher possible parce que plus on retarde le moment où on va accéder à l'autorisation de faire les essais, plus on dépense de l'argent", explique la présidente de France Biotech, qui affirme ne pas connaîter d'entreprise réalisant ses essais en France au sein de son groupement. "Ils vont tous en Belgique, en Angleterre, en Italie voire aux Etats-Unis."

2 milliards d'euros de manque à gagner

Cette fuite des essais cliniques sur l'homme à l'étranger a déjà des conséquences en France. Ainsi, les hôpitaux français ne reçoivent pas l'argent versé pour accueillir ces essais cliniques. France Biotech chiffre ce manque à gagner à 2 milliards d'euros par an, sans compter les entreprises étrangères qui pourraient venir en France. "Jusqu'à maintenant, il y avait une véritable attraction des groupes étrangers pour venir en France parce que la recherche clinique est de très grande qualité. Mais aujourd'hui, les complications administratives ont dépassé l'attrait scientifique et ces entreprises étrangères commencent à déserter la France." 

À terme, les entreprises du secteur craignent la fin des essais et de la recherche cliniques en France. "C'est une catastrophe. Que fait-on de ces chercheurs qui sont à l'Inserm ou dans les universités et qui veulent faire de la recherche clinique ? Ils vont aller à l'étranger. Et pourquoi faire de la recherche en France dans le domaine médical si on n'a plus de recherche clinique ?", interroge Maryvonne Hiance. Sans compter les inconvénients pour les patients français qui ne bénéficient pas de ces traitements innovants avant leur mise sur le marché.

Maryvonne Hiance, présidente de France Biotech, répond aux questions de Bruno Rougier

Lettre ouverte des entreprises de biotechnologies dans le domaine de la santé by Franceinfo on Scribd

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