L’Autorité de la concurrence recommande la vente de médicaments en grande surface
Bientôt des médicaments dans vos supermarchés ? L'Autorité de la concurrence a recommandé jeudi 4 avril 2019 d'élargir la vente de médicaments sans ordonnance aux parapharmacies et à la grande distribution. Cette mesure concernerait uniquement certaines catégories de produits de santé (médicaments vendus sans ordonnance, autotests de dépistage VIH, lecteurs de glycémie...) qui pourraient être vendues dans des espaces dédiés au sein de grandes surfaces, avec la présence "obligatoire et continue d'un pharmacien" responsable, selon l'Autorité.
Faire baisser les prix et améliorer l’accès aux médicaments
Dans son avis, l’Autorité de la concurrence a réaffirmé la "pleine justification du monopole pharmaceutique", tout en prônant son "assouplissement partiel et strictement encadré" pour faire baisser les prix de certains produits de santé et améliorer leur accès. En effet, dans les pays européens ayant déjà libéralisé la vente de médicaments sans ordonnance, les prix de ces produits ont baissé de 10 à 15%, selon l'Autorité de la concurrence. Mais en France les prix de ces médicaments sont déjà "de très loin inférieurs à la moyenne européenne", a confié à l’AFP Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), réfractaire à l’annonce de l’Autorité.
Les syndicats, tout comme l’Ordre national des pharmaciens, craignent en effet que l’installation de ces nouveaux lieux de dispensation n’affaiblisse le maillage territorial des pharmacies. Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence, a pourtant assuré que "ne pas fragiliser une officine en situation délicate pourrait être un motif de refus tout à fait légitime" à l'installation d'un espace concurrent dans un supermarché voisin.
La crainte de "conséquences néfastes pour la santé publique"
La crainte d’une baisse de sécurité pour les patients est également évoquée par les opposants à cet avis. L'Autorité "se moque de la sécurité des patients. Rapport inutile dont les conclusions se répètent comme un refrain: préconiser la destruction des derniers lieux de santé dans les territoires", a ainsi critiqué Philippe Besset sur Twitter le 4 avril.
L’@Adlc_ se moque de la sécurité des patients. Rapport inutile dont les conclusions se répètent comme un refrain : préconiser la destruction des derniers lieux de santé dans les territoires. L’argent public mérite d’être mieux utilisé ! @EPhilippePM @agnesbuzyn
— Philippe Besset (@PhilippeBesset) April 4, 2019
En parallèle, l’Ordre national des pharmaciens a exprimé ses inquiétudes quant à la survenue de "conséquences néfastes pour la santé publique" dans un communiqué daté du 4 avril.
[Communiqué ????️] Avis de l’@Adlc_ sur la distribution du médicament en ville et la biologie médicale privée - Casser un modèle qui garantit la sécurité sanitaire des patients : NON MERCI ! https://t.co/0IrJzR9ABE pic.twitter.com/Aez2SJCcxH
— Ordre Pharmaciens (@Ordre_Pharma) April 4, 2019
Au sein du gouvernement, les réactions sont plurielles. Début mars, le Premier ministre Edouard Philippe s'était de son côté dit favorable à ces propositions. Mais le 5 avril, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a déclaré au micro d’Europe 1 être opposée à l’idée d’autoriser la grande distribution à vendre des médicaments sans ordonnance. Elle redoute en effet une fragilisation du réseau des pharmacies en milieu rural et trouve "problématique" de "considérer que les médicaments s’achètent comme n’importe quel produit de consommation alimentaire". Elle rappelle en effet qu’il existe "toujours des effets secondaires quand on prend des médicaments", ce qui "nécessite toujours un conseil".
Sécuriser les achats en ligne
Outre la vente en grandes surfaces, l’Autorité de la concurrence a également recommandé d'assouplir les modalités de vente en ligne des médicaments sans ordonnance par les pharmacies, un mode de distribution autorisé en France depuis 2012. Isabelle de Silva s’est toutefois voulu rassurante en affirmant qu’un "Amazon du médicament ne peut pas exister en France" et que l’Autorité plaidait plutôt pour un référencement des sites des officines physiques.
"Nous y travaillons, parce qu'il y a une demande, un besoin, nous avons un groupe de travail qui se réunit avec les pharmaciens", a commenté à ce propos Agnès Buzyn sur Europe 1. "Mais là encore, pour moi l'enjeu c'est la sécurité", a-t-elle ajouté. "On ne peut pas tout acheter sur internet, il faut absolument sécuriser ces achats […], il faut que les pharmaciens, notamment de proximité, puissent bénéficier de cette vente en ligne et que ça ne soit pas au détriment de ce maillage territorial extraordinaire et du travail que font les pharmaciens au quotidien pour la santé publique", a enfin souligné la ministre.
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