Dans les égouts, des alliés microscopiques : des virus capables de tuer les bactéries les plus résistantes aux antibiotiques
L'antibiorésistance, la résistance aux antibiotiques, inquiète de plus en plus les autorités sanitaires. Pour lutter contre ce phénomène, des laboratoires parient sur une sorte de virus, les phages, pour détruire les bactéries les plus coriaces.
Tout commence avec un bidon de deux litres d’eau sortie tout droit des égouts. "Une source très importante de phages", affirme Guy-Charles de la Horie, le dirigeant du laboratoire Pherecydes pharma à Romainville (Seine-Saint-Denis). "Il y a plusieurs milliards de phages dans ce récipient. Il va y avoir des phages qui nous intéressent et d'autres qui ne nous intéressent pas", explique-t-il.
Les phages, qu'on appelle aussi des "bactériophages", des virus capables de tuer des bactéries, même les plus résistantes, apparaissent comme une alternative possible aux antibiotiques. L’Organisation mondiale de la santé prend très au sérieux ce problème car les bactéries résistent de plus en plus aux antibiotiques, et cette antibiorésistance pourrait, selon l’OMS, causer dix millions de morts en 2050. Les phages sont donc au centre de la semaine européenne contre l’antibiorésistance qui débute le 18 novembre.
Les phages, vus d’un microscope, ressemblent à des petites bêtes avec des pattes. C’est un virus présent dans la nature, notamment les égouts , un virus qui se fixe sur les bactéries et les tue, principalement celles qui résistent de plus en plus aux antibiotiques. "Nous travaillons sur les staphylocoques dorés, Escherichia coli et sur pseudomonas aeruginosa", détaille Guy-Charles de la Horie. Ces trois bactéries représentent plus des deux tiers des infections nosocomiales contractées à l’hôpital.
Le travail des chercheurs, c’est de récupérer les phages dans des eaux usées, de les cultiver, pour ensuite les appliquer sur une infection bactérienne et guérir cette infection. "Trente-six patients ont déjà été traités en France avec nos phages dans des infections que tout le monde connaît ou dont tout le monde a déjà entendu parler, par exemple les infections ostéo-articulaires sur prothèse de la hanche ou prothèse du genou, détaille Guy-Charles de la Horie. Il faut savoir que dans les prothèses de la hanche, dans 1% ou 2% des cas, il va y avoir une infection. Pour les prothèses du genou c'est plutôt 3%. On a traité également d'autres infections articulaires sur des fractures."
"On a des cas de patients à qui on avait parlé d'amputation et dont la jambe a pu être préservée grâce à l'application de nos phages."
Guy-Charles de la Horie, directeur du laboratoire Pherecydes pharmaà franceinfo
Pour le moment, seuls quelques patients ont été traités. "Nous sommes au début du développement clinique, au début des études cliniques. Nous espérons, nous pensons que d'ici quatre à cinq ans les phages pourraient être mis sur le marché", espère Guy-Charles de la Horie. L’entreprise va également lancer des études pour voir si les phages parviennent à guérir certaines infections urinaires, ou encore les ulcères du pied chez des patients diabétiques.
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