Zika : Marisol Touraine déconseille aux femmes enceintes de se rendre en zone d'épidémie
Éviter les zones d'épidémie
La communauté scientifique juge aujourd’hui extrêmement vraisemblable l’existence d’un lien de cause à effet direct entre le virus Zika et les microcéphalies constatées chez des bébés en Polynésie française et au Brésil. De nombreux pays invitent aujourd'hui les femmes enceintes à éviter les zones d'épidémie et, dans certaines régions touchées, les autorités sanitaires découragent même les femmes qui désirent un enfant de procréer dans les mois qui viennent.
De nombreuses questions restent en suspens sur la manière dont le virus affecte le fœtus chez les femmes enceintes. Plusieurs experts ont récemment fait un point avec la presse sur l’état des connaissances scientifiques.
Cette précaution est-elle légitime ?
"Le lien entre Zika et microcéphalie est hautement probable mais, pour l'heure, il n'est pas encore prouvé au sens scientifique du terme", résume le professeur Jean-François Delfraissy, directeur de l'Institut immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
Les chercheurs avancent un lien de cause à effet d'une part en raison d'une hausse significative de cas de microcéphalies en zone d'endémie Zika et, d'autre part, en raison de la présence du virus détectée lors d'avortements de femmes vivant en zone d'endémie et dont le fœtus présentait une microcéphalie.
"Jusqu'à présent, on n'avait aucune information sur le rôle possible de Zika comme agent à l'origine de malformations. On ne s'y attendait pas car c'est un virus proche de maladies qu'on connaît mieux comme la dengue ou la fièvre jaune, qui posent des problèmes de santé sans pour autant causer de malformations", explique André Cabié, chef du service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Fort-de-France en Martinique.
Quelles hypothèses existent sur la façon dont le virus Zika agit sur le fœtus ? Existe-t-il un traitement ?
"On sait que des infections virales peuvent donner des malformations, surtout quand elles surviennent au premier trimestre de la grossesse au moment où les organes vitaux se forment", explique le professeur Cabié.
La rubéole, le cytomégalovirus ou la toxoplasmose sont depuis longtemps répertoriées comme causes de malformations chez le foetus.
"Les virus traversent le placenta, se localisent chez le foetus, parfois au niveau de certaines cellules cérébrales", ajoute le Pr Delfraissy.
Pour comprendre l'infection des foetus par Zika, des études sont en cours dont une en Polynésie française où l'épidémie a sévi de fin 2013 à début 2014. En Martinique, où l'épidémie se propage actuellement, "une cohorte" regroupant les femmes enceintes est organisée pour établir avec certitude la relation entre Zika et microcéphalie.
La difficulté est que cette infection est majoritairement asymptomatique (pas de symptômes, comme la fièvre par exemple). Une femme enceinte peut donc être infectée sans le savoir. A l'inverse, des cas de femmes enceintes affectées par le virus Zika et dont l'enfant ne présente pas de microcéphalie ont été observés.
Pourquoi le virus agit-il seulement chez certaines femmes enceintes ? Y a-t-il des facteurs à risques ? Des maladies associées ? Autant de questions auxquelles les chercheurs ne peuvent répondre.
En outre, les médecins ne disposent ni d'outils de diagnostic fiables, ni de traitement.
Quelles sont les conséquences pour l'enfant ?
"Sur les tableaux de malformations graves, ce n'est pas compatible avec une vie prolongée. Si le cerveau ne s'est pas développé, le corps ne peut pas fonctionner. En Polynésie, ces malformations ont majoritairement conduit à des interruptions volontaires de grossesse car les enfants n'auraient pas survécu plus que quelques jours", souligne le Pr Cabié.
"La première issue peut être la mort in utero en raison de la sévérité de l'atteinte cérébrale", poursuit le Pr Delfraissy. "Pour les enfants naissant avec une microcéphalie, l'avenir est variable : le bébé peut devenir un infirme cérébral avec une palette d'intensités sur le plan moteur et du déficit cognitif (intellectuel), les circuits cérébraux ne pouvant pas bien se mettre en place", explique-t-il.
Pour d'autres enfants dont certaines zones du cerveau auront été moins atteintes, ils se développeront "un peu mieux sur le plan moteur, mais moins bien sur le plan psychomoteur".
Même dans les atteintes "plus légères", le pronostic au niveau fonctionnel et psychomoteur "reste relativement sévère". "C'est un vrai drame", conclut le Pr Delfraissy.
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