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Ebola : la gestion de l'OMS sous le feu des critiques

Dans un rapport publié ce 11 mai, un groupe d'experts indépendants mandaté par l'ONU a dénoncé le retard et les défaillances de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dans la gestion de "l'épidémie sans précédent" d'Ebola.
Article rédigé par La rédaction d'Allodocteurs.fr
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Dans ce rapport préliminaire publié ce 11 mai(1), le groupement d'experts déclare "[ne toujours pas comprendre] pourquoi des avertissements précoces lancés de mai à juin 2014 n'ont pas abouti à une réponse adéquate et sérieuse".

Dès les premiers mois de l'épidémie de maladie à virus Ebola en Afrique de l'Ouest (éclose en Guinée en décembre 2013), de nombreux experts et organisations non gouvernementales avaient alerté l’OMS de la situation. Pourtant ce n'est que le 8 août 2014 que l'OMS a décrété une "urgence de santé publique mondiale" et demande une "réponse internationale coordonnée".

"A ce moment-là, plus d'un millier de personnes étaient déjà mortes", déplorait Médecins sans frontières (MSF) dans un rapport de 28 pages publié ce 23 mars.

Des constats "surprenants"

Deux semaines avant la publication du rapport de MSF des Etats-membres de l’OMS avaient mandaté, via l’ONU, un groupe d'experts(2) pour examiner les raisons des dysfonctionnements constatés.

"Il y a un consensus fort pour dire que l'OMS n'a pas une capacité et une culture suffisamment fortes pour mener des opérations d'urgence", accuse le nouveau rapport. "Il y a eu de graves lacunes dans les contacts avec les communautés locales au cours des premiers mois de l'épidémie."

Pour expliquer le retard de l'OMS à répondre à la crise Ebola, les experts avancent une mauvaise compréhension du contexte de cette épidémie différente des autres, des informations peu fiables du terrain, des négociations difficiles avec les pays concernés, ainsi que des lacunes dans la stratégie de communication de l'OMS. Le rapport mentionne également les insuffisances des systèmes de santé très fragiles des trois pays touchés, la méfiance des populations, leur forte mobilité, et des frontières poreuses.

"Il est surprenant qu'il ait fallu attendre jusqu'en août ou septembre pour reconnaître que la transmission de l'Ebola ne pourrait être sous contrôle que si des mesures de surveillance, de mobilisation des populations et la distribution des soins étaient mises en place de manière simultanée", affirme le rapport.

La riposte internationale n'a pris de l'ampleur qu'en septembre 2014, quand l'ensemble du système de l'ONU a réagi et qu'une autre structure a été créée, la Mission des Nations unies pour la lutte contre Ebola (UNMEER), relève encore le groupe d'experts. 

Des pistes pour remédier à ces dysfonctionnements

Les auteurs recommandent notamment de renforcer la capacité opérationnelle de l'OMS. Les Etats-membres sont invités "à mettre sur pied un fonds d'urgence ainsi qu'une force internationale d'intervention sanitaire" qui pourrait être mobilisée immédiatement. L'OMS devrait aussi mettre en place une équipe pluridisciplinaire pour répondre aux situations d'urgence. Une structure de commandement claire, unique au sein de l'agence, doit être créée aussi rapidement que possible. 

Les auteurs invitent le Conseil exécutif de l’OMS à prendre une décision à cet égard en janvier 2016.

Le rapport préliminaire fera l'objet d'une discussion lors de l'Assemblée mondiale de la santé, qui doit se tenir du 18 au 26 mai 2015, à Genève.

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(1) La version finale doit être rendue publique mi-juin.
(2) Le groupe est présidé par la Britannique Barbara Stocking, ancienne présidente d’Oxfam GB (2001-13). Les autres membres du groupe sont: le Professeur Jean-Jacques Muyembe-Tamfun, directeur général de l'Institut national de la Recherche biomédicale (RDC); le Dr Faisal Shuaib, chef du National Ebola Emergency Operations Center (Nigeria); le Dr Carmencita Alberto-Banatin, consultant indépendant et conseiller pour les urgences sanitaires et les catastrophes (Philippines); le Professeur Julio Frenk, Doyen de la Faculté, Harvard T. H. Chan School of Public Health (Boston, USA), et le Professeur Ilona Kickbusch, directeur du Global health programme à l'Institut de Hautes Études internationales et du développement (Genève, Suisse).

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