Découverte d'un réseau de neurones impliqués dans le stress post-traumatique
Les attentats qui ont endeuillé la France ces dernières années ont remis sur le devant de la scène un problème de santé publique d’ampleur : le stress post-traumatique. Le phénomène ne concerne pas seulement les victimes d’attaques terroristes. Toutes les victimes d’agression, sexuelles ou non, et les victimes de guerre, peuvent être touchées. Les personnes traumatisées peuvent être soumises à la réactivation de leur peur dans des contextes qui leur évoquent celui de leur traumatisme. Alors que ces contextes sont en fait différents. "Par exemple, une personne qui se trouvait au Bataclan, où il y avait des fauteuils rouges, peut avoir une tendance à généraliser ses peurs à un environnement avec une prédominance rouge, alors que cet environnement est neutre. Les personnes saines, elles, font de la discrimination contextuelle : leur cerveau ne fait aucun lien", explique Cyril Herry, directeur de recherche à l’Inserm.
Identification des neurones en cause dans le SSPT
Les scientifiques savaient déjà que les explications neurologiques de ce dysfonctionnement étaient à chercher dans le cortex frontal. L'équipe de Cyril Herry, celle des "circuits neuronaux des apprentissages associatifs" du Neurocentre magentie, à Bordeaux, vient d’identifier le réseau de neurones en cause dans ces troubles anxieux circonstanciés. Leurs travaux sont publiés dans la revue Neuron le 21 février 2018.
Pour comprendre ce qui se joue dans le cerveau des personnes souffrant d’un syndrome post-traumatique, les chercheurs ont travaillé sur le rongeur pour identifier les circuits neuronaux impliqués dans ce phénomène de généralisation / discrimination contextuelle. Ils ont commencé par conditionner les animaux. "Nous avons mis les souris dans un contexte donné, où elles ont reçu des chocs électriques légers. Elles ont développé des réflexes de peur chaque fois qu’on les remettait dans ce contexte", explique Cyril Herry. Ils les ont ensuite exposées au même contexte, mais après y avoir soustrait certains éléments. "Nous avons enlevé à l’environnement des souris des éléments - comme l’odeur, le son, ou encore la lumière-, pour créer un contexte neutre, qui n'était pas censé provoquer leur aversion. C’était pour nous la situation parfaite pour étudier la discrimination contextuelle des animaux sains."
En enregistrant en temps réel l’activité des neurones du cortex pré-frontal, dans les contextes aversif et non aversif, l’équipe a identifié une population de neurones qui étaient spécifiquement activés lorsque les animaux distinguaient bien les contextes. Ces neurones innervent le tronc cérébral, la zone du cerveau qui génère les actions motrices et émotionnelles de la peur. "Chez les animaux sains, les neurones fonctionnent bien et inhibent la réaction de peur. S'ils sont inactivés, au contraire, la peur reprend le dessus", constate le chercheur. Les scientifiques ont pu agir directement sur le groupe de neurones repérés pour changer les comportements des rongeurs. "Dans une situation où ils avaient peur, nous avons pu activer les neurones, grâce à une technique utilisant la fibre optique. De nouveau, ils ont pu faire de la discrimination contextuelle."
Vers des traitements par électrodes chez l’Homme ?
Les travaux de l’équipe de l’Inserm ouvre des perspectives très prometteuses dans le traitement du stress post-traumatique et des troubles anxieux (comme les phobies) chez l’Homme. Les médecins disposent déjà de solutions pour soulager les symptômes des patients mais elles ne sont pas pleinement satisfaisantes. Les psychothérapies et les thérapies comportementales et cognitives (TCC) fonctionnent mais les rechutes ne sont pas rares. Quant aux traitements médicamenteux, ils agissent sur tout le cerveau et exposent à des effets secondaires. En ciblant le groupe neuronal du cortex pré-frontal, il pourrait être possible de développer des traitements plus spécifiques et efficaces. Ils prendraient certainement la forme de stimulations transcrâniennes par électrodes. "Il existe déjà des techniques qui permettent d’aller stimuler des neurones de façon non invasive. En fonction de la fréquence, on arrive à être plus ou moins sélectif d’un groupe neuronal", rappelle Cyril Henry.
Un dispositif testé chez l’animal a déjà montré une efficacité pour effacer de manière permanente la mémoire traumatique. "Chez l’Homme, il faudrait idéalement administrer le traitement transcrânien dans un contexte qui réactive cette mémoire traumatique, de manière à la fragiliser et à réduire l’expression des symptômes de peur", avance le chercheur. Un tel dispositif chez l’Homme, en raison des contraintes éthiques, ne sera de toute façon pas disponible avant au moins une dizaine d’années.
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