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Mauricette M., la première personne vaccinée en France contre le Covid-19, avait-elle donné son consentement ?

L'AP-HP ainsi que l'équipe médicale de l'unité de soins de longue durée de l'hôpital René-Muret de Sevran assurent que la septuagénaire avait bien consenti à se faire vacciner.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Mauricette M., 78 ans, première personne vaccinée contre le Covid-19 en France, le 27 décembre 2020 à l'hôpital René-Muret de Sevran (Seine-Saint-Denis). (THOMAS SAMSON / AFP)

Quelques mots qui changent tout. A 78 ans, Mauricette M. est devenue dimanche 27 décembre la première personne vaccinée contre le Covid-19 en France. La vaccination de cette pensionnaire de l'unité de soins de longue durée de l'hôpital René-Muret de Sevran, en Seine-Saint-Denis, a été retransmise en direct sur les chaînes d'information en continu. Et une petite phrase prononcée par la septuagénaire a fait tiquer de nombreux téléspectateurs. Au moment où l'infirmière s'apprêtait à la vacciner, Mauricette M. a semblé dire : "Ah, il faut faire un vaccin ?" 

L'extrait vidéo a été abondamment partagé et commenté sur les réseaux sociaux. Alors que la délicate question du recueil du consentement des personnes âgées dépendantes se pose, de nombreux internautes y ont vu la preuve que la première vaccinée française n'avait en réalité pas consenti à cet acte médical et n'était pas consciente qu'elle allait être vaccinée. Le défenseur du Frexit et ancien candidat à la présidentielle François Asselineau a ainsi dénoncé dans un tweet "un abus de faiblesse". L'ex-membre du bureau national du Rassemblement national Jean Messiha a lui estimé que "cette dame [qui] semble complètement perdue" était la "première d'une longue série de cobayes du troisième âge". Qu'a vraiment dit Mauricette M. ? A-t-elle réellement donné son consentement ? La cellule de fact-checking de franceinfo démêle le vrai du faux. 

"Il faut faire un vaccin ?" ou "il faut faire avec ça ?"

Pour des raisons sanitaires, cette première vaccination contre le Covid-19 en France a été immortalisée par un "pool" de journalistes. Celui-ci était composé d'une équipe de TF1 pour la télévision, d'un photographe de l'Agence France-Presse, d'une reporter de franceinfo pour la radio et d'un journaliste de presse écrite. A charge ensuite à eux de communiquer leurs vidéos, photos, sons et textes au reste de la profession. Mauricette M. s'est ainsi retrouvée entourée de membres du personnel de son hôpital et de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), ainsi que d'une dizaine de journalistes munis de leurs micros, objectifs de caméra et appareils photo. 

Si certains internautes croient avoir entendu Mauricette M. dire : "Ah, il faut faire un vaccin ?", d'autres jugent qu'elle a déclaré : "Ah, il faut faire avec ça ?" A ce moment-là, son regard est en effet tourné vers l'infirmière qui s'est approchée d'elle avec le chariot sur lequel elle a disposé le matériel nécessaire à l'injection (seringue, compresses, désinfectant…). Mauricette M., qui porte un masque sur le visage et souffre de surdité, ne parle pas d'une voix distinctement audible. Difficile donc de trancher, même en réécoutant la séquence à plusieurs reprises. Ni l'AP-HP, à laquelle l'établissement hébergeant la patiente est rattaché, ni deux journalistes présents sur place n'ont d'ailleurs été en mesure de confirmer à franceinfo la teneur exacte des propos de la septuagénaire.

Patiente Premiere Vaccination
Patiente Premiere Vaccination Patiente Premiere Vaccination

"Il y avait énormément d'effervescence autour d'elle. Ça faisait beaucoup pour cette dame de 78 ans. C'est une femme qui n'entendait vraiment pas bien. Pour ne pas en rajouter, on nous a demandé de ne pas poser de questions", se remémore un journaliste du "pool". "Elle était forcément très impressionnée", appuie une reporter présente sur place. La journaliste se souvient d'une femme parfois "confuse" dans ses déclarations. MauricetteM. se trompe ainsi sur son âge. Elle déclare avoir 70 ans, mais ajoute être née en 1942. Elle remercie les journalistes d'être venus la voir. Pour autant, le journaliste du "pool" n'a "pas eu le sentiment qu'elle ignorait ce qui allait se passer".

"Le consentement a été fait"

De son côté, l'AP-HP explique que l'hôpital René-Muret de Sevran a suivi à la lettre l'avis de la Haute Autorité de santé relatif à la stratégie nationale de vaccination. Dans un premier temps, l'équipe médicale de l'établissement a étudié les dossiers médicaux des pensionnaires "ayant la capacité à exprimer leur volonté, à décider et à donner leur consentement". Elle s'est enquise de la "présence ou non d'une personne de confiance", de l'existence d'une éventuelle "mesure de protection juridique" et d'"antécédent Covid ou non". Ensuite, un "recueil des intentions a été effectué auprès des patients en capacité d'exprimer leur volonté". Les médecins ont pris contact avec les familles, si nécessaire, "en respectant les souhaits des patients".

Le cas de Mauricette M. n'a pas dérogé à la règle, assure l'AP-HP. Il y a eu "un recueil initial de son intention de vaccination". Puis "une consultation prévaccinale" a permis de "vérifier l'absence de contre-indication", mais aussi "de redonner l'information loyale, claire et appropriée, de recueillir son consentement". "A cette occasion, insiste l'AP-HP, Mauricette M. a rappelé à l'équipe médicale qui la suit au quotidien sa décision et sa volonté de se faire vacciner". L'AP-HP précise que "tout cela [est] tracé dans le dossier médical" de la patiente. Celui-ci reste toutefois confidentiel.

Cette version des faits est corroborée par les déclarations de Samir Tine, chef du service hébergeant Mauricette M., dimanche. "Nous avons recueilli l'assentiment de cette femme bien en amont", a déclaré le médecin, repris par La Voix du Nord"C'est notre travail quotidien que demander leur accord à nos patients, puisqu'ils peuvent à tout moment refuser n'importe quel soin." Quelques minutes avant de vacciner Mauricette M., l'infirmière n'a pas dit autre chose aux journalistes, qui l'interrogeaient alors qu'elle préparait son matériel. "Le consentement a été fait. La prescription est faite. J'ai vérifié ce matin. Tout est OK."

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