Covid-19 : Najat Vallaud-Belkacem réclame "une levée temporaire des droits de propriété intellectuelle" pour les vaccins
Najat Vallaud-Belkacem, directrice France de l’ONG ONE, qui lutte contre l’extrême pauvreté et les maladies évitables, appelle ce vendredi sur franceinfo à "une logique de partage" pour que l’Afrique obtienne davantage de vaccins contre le Covid-19.
Emmanuel Macron veut proposer à la réunion du G7 qui se tient vendredi 19 février le transfert de 3 à 5% des doses de vaccins contre le Covid-19 des pays les plus riches soient destinés à l’Afrique. Najat Vallaud-Belkacem, directrice France de l’ONG ONE, qui lutte contre l’extrême pauvreté et les maladies évitables, a estimé vendredi 19 février sur franceinfo qu’il fallait "être dans une logique de partage" pour permettre à l’Afrique d’obtenir plus de vaccins contre le Covid-19. Mais l’ancienne ministre ne comprend "pas pourquoi l'Union européenne et la France, pour l'instant, s'obstinent à ne pas soutenir" la proposition de l'Afrique du Sud et l'Inde qui consiste à adopter une "levée temporaire des droits de propriété intellectuelle immédiatement et à l'échelle internationale".
franceinfo : Trouvez-vous la proposition d’Emmanuel Macron intéressante ?
Najat Vallaud-Belkacem : D'abord, ce que cette proposition met au jour, c'est une forme de nationalisme vaccinal qui a cours depuis des mois et des mois et sur lequel nous alertons. En effet, les pays les plus riches ont préréservé un nombre de doses de vaccins absolument considérables qui leur crée de fait des excédents. L'ONG à laquelle j'appartiens, ONE, vient de rendre publique une étude qui montre que le nombre de doses de vaccins accumulés par les pays les plus riches s'élève déjà à un milliard de plus que nécessaire pour vacciner totalité de leurs propres citoyens.
Que faut-il faire alors ?
L’idée serait d'être dans cette logique du partage. Mais on se rend bien compte que ça ne sera pas suffisant pour une raison simple, c'est que l'ampleur de la demande dans nos pays signifie qu'il va falloir plusieurs années avant que les excédents arrivent enfin à destination vers les pays les plus pauvres. Donc oui, pour cette proposition, c'est une solution, mais ça ne sera pas l'alpha et l'oméga. La réalité, elle est faite de deux piliers.
Il y a un dispositif international auquel les pays riches doivent contribuer financièrement pour que les pays les plus pauvres puissent acheter leurs propres vaccins auprès des laboratoires pharmaceutiques. Ce dispositif international s'appelle Covax et il est attendu que dans cette réunion du G7, les grands pays des offres fassent des offres de financement à ce dispositif. L’Allemagne va annoncer un milliard et demi d'euros pour ce dispositif . Le Canada sans doute un peu moins de 100 millions d'euros. Pour le moment, nous n'avons aucune annonce du gouvernement français sur les moyens qui vont être mis à disposition de ce dispositif. Et puis, le deuxième sujet, c'est vraiment la question des droits de propriété intellectuelle autour de ces vaccins. Nous considérons que compte tenu des besoins, ce qu'il faut aujourd'hui, c'est d’être en capacité de fabriquer assez de vaccins le plus rapidement possible.
Emmanuel Macron dit qu’il faut mettre une très forte pression sur les grands laboratoires pour accroître la production de vaccins, sinon pourrait se poser la question de la propriété intellectuelle. Etes-vous d’accord avec le chef de l’État ?
Absolument. Ce sont des propos intéressants. Comme souvent d'ailleurs, les discours tenus par Emmanuel Macron sur la scène internationale créent toujours beaucoup d'espoir parce qu'ils semblent aller dans le bon sens. Mais simplement, il faut passer de la parole aux actes. Et aujourd'hui, concrètement, si on veut lever temporairement ses droits de propriété intellectuelle sur la fabrication des vaccins, il faut soutenir une proposition qui est faite auprès de l'Organisation mondiale du commerce par l'Afrique du Sud et l'Inde, qui consiste à adopter cette levée temporaire des droits de propriété intellectuelle immédiatement et à l'échelle internationale.
Cette proposition est soutenue par une centaine de pays et nous ne comprenons pas pourquoi l'Union européenne et la France, pour l'instant, s'obstinent à ne pas la soutenir. Si le président de la République française veut mettre en accord ses paroles et ses actes, il est temps de soutenir cette proposition-là qui permettra enfin que soient produits rapidement, très rapidement, beaucoup plus de doses de vaccins. Et alors se posera moins la question de distribuer ces excédents qui peut prendre beaucoup plus de temps, qui est une forme au fond de ruissellement des doses sur lesquelles on a les plus grands doutes pour ce qui nous concerne.
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