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"Il faut qu'on pousse les murs, qu'on pousse les murs... jusqu'à ce qu'on passe le pic" : à l'hôpital Lariboisière à Paris, la course pour ouvrir de nouveaux lits

Face à l'épidémie de coronavirus, les hôpitaux d'Île-de-France ne sont pas encore totalement saturés, mais fonctionnent à flux tendus. Exemple à l’hôpital Lariboisière à Paris.

Article rédigé par Etienne Monin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
L'hopital Lariboisière à Paris. (THOMAS PONTILLON / FRANCE-INFO)

À l'hôpital Lariboisière, les murs ne sont pas extensibles. Alors, le périmètre du service de réanimation est en perpétuelle évolution, il est devenu très "élastique". Des lits ont été ouverts partout où c'était possible ce week-end et empiètent désormais sur les soins continus, jusque dans le service orthopédique, pour atteindre les 50 au total dans tout l'hôpital. Ils sont tous occupés par des malades Covid-19, qui continuent d'arriver de manière continue. Le président de l'AP-HP, Martin Hirsch, avait lancé l'alerte il y a quelques jours sur franceinfo. La hausse d'activité est effectivement perceptible. "On est dans la vague, ça c'est sûr, et pourtant on croit comprendre que le pire est encore à venir", s'inquiète le professeur Alexandre Mebazaa, chef de service du département anesthésie réanimation.

Dimanche soir, le professeur Mebazaa n'avait qu'un seul lit d'avance. Mais encore des ressources. "Il ne faut jamais arrivéer à zéro lit, surtout dans de grosses structures comme la nôtre. Il faut toujours qu'on pousse les murs, qu'on pousse les murs... jusqu'à ce qu'on passe le pic. Il faut un minimum d'items : un lit, un matelas, un ventilateur ; il faut une infirmière avec une certaine expertise ; et il faut les médicaments."

L'hôpital Lariboisière s'est donc organisé pour se mettre littéralement en chasse de mètres carrés appropriés pour ouvrir de nouveaux lits. "On a un médecin réanimateur-anesthésiste chevronné dont le travail est uniquement d'aller explorer les territoires, explique le professeur Mebazaa, pour voir ce qui est adéquat en termes d'hygiène. Dès que c'est adéquat et qu'on a les items, clac ! Quelques heures plus tard, pas plus, on ouvre deux lits, trois lits quatre lits..."

C'est vraiment une course contre la montre. L'idée c'est d'être toujours avant la vague

Alexandre Mebazaa, médecin à l'hôpital Lariboisière

à franceinfo

Dans ces conditions, les repères et les pratiques changent régulièrement. D’autant que le virus surprend et inquiète, même en milieu hospitalier. Anaë Thilly, infirmière, vient d’apprendre qu’un membre de sa famille était en réanimation. De manière générale, elle est très surprise par les personnes prises en charge dans son service. "On connaît assez mal ce virus, constate la soignante. Au début, on pensait que seules les personnes âgées et fragiles étaient concernées, mais maintenant on constate que cela touche aussi les jeunes, sans antécédents pour certains. On se dit que tout le monde peut être touché, y compris nous".

On voit des personnes de plus en plus jeunes. L'un de mes patients n'a que 34 ans et n'a pas d'antécédents particuliers. Donc on se pose pas mal de questions

Anaë Thilly, infirmière à l'hôpital Lariboisière

à franceinfo

Vendredi 27 mars, les premiers patients sont sortis de réanimation dans cette unité. Les lits ont tout de suite été réattribués. Les médecins et personnels soignants n’ont pas ou peu de prise sur la guérison et l’évolution de cette maladie. "J'ai passé la semaine ici et je suis étonnée, s'inquiète Margaux, interne en réanimation. J'ai des patients qui sont pour certains très jeunes et qui n'évoluent pas comme on le souhaiteraient alors qu'on fait notre maximum. Et ça, je pense que c'est le plus épuisant. Je veux bien travailler 12 heures d'affilée et ne pas déjeuner si ça peut remettre un patient sur pied, mais pour l'instant, ce n'est pas le cas malheureusement".

Pas encore de choix à faire en réanimation

Les personnels travaillent désormais 12h d’affilée, ils sont à flux tendus, mais heureusement, ils n'ont pas encore été dans la situation critique de devoir faire des choix en réanimation : "Tout le monde en parle parce que ça inquiète tout le monde", reconnaît le professeur Mebazaa. "On sait bien, avec l'expérience mulhousienne et strasbourgeoise que ça va nous arriver, mais pour l'instant on n'a pas eu de choix à faire".

L'hôpital Lariboisière continue donc d’étendre son service de réanimation. Pour le moment, les médecins ont une visibilité à 12h, en rentabilisant le matériel existant et en surveillant les stocks de médicaments.

A l'hôpital Lariboisière à Paris, la course contre la montre pour ouvrir de nouveaux lits - Etienne Monin

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