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Face à "l’urgence climatique", "on ne fait pas le quart du quart du quart de ce qu’on fait pour la Covid", regrette Laurent Fabius

L’ancien Premier ministre et ancien président de la COP21 publie un livre sur le réchauffement climatique pour dresser un bilan depuis l'accord de Paris signé en 2015.

Article rédigé par franceinfo
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Laurent Fabius, le président du Conseil constitutionnel, le 21 juillet 2020. (LUDOVIC MARIN / AFP)

"La mutation climatique, c'est plus profond que la Covid. Et il n'y a pas de vaccin. Or, on ne fait pas le quart du quart du quart de ce qu'on fait pour la Covid pour l'urgence climatique. Donc il faut sonner l'alerte", a estimé Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, mardi 15 septembre sur franceinfo. L’ancien Premier ministre et ancien président de la COP21 publie Rouge carbone (éditions de l’Observatoire), un livre sur le réchauffement climatique.

franceinfo : Votre livre dresse le bilan des cinq années écoulées depuis l’accord de Paris sur le climat. Vous diriez que ce sont cinq années de perdues ?

Laurent Fabius : Non, ce ne sont pas cinq années de perdues. Mais c'est vrai que les décisions qui ont été prises essentiellement par les différents gouvernements ne sont pas du tout à la hauteur des engagements qu'ils avaient pris lors de lors de la COP de Paris. Et donc, ce livre, c'est ça : faire le bilan et, en même temps, tracer les pistes pour revenir dans le sillage.

Les promesses ne sont pas tenues, cela veut dire que les objectifs (2 degrés maximum d’ici à la fin du siècle) ne le seront pas non plus ?

Les scientifiques disent que si on continue sur la lancée actuelle, on sera entre 3 et 4 degrés plutôt. 3 et 4 degrés, ça ne veut pas dire qu'à Dunkerque, il va faire 3 degrés de plus, ce dont les Dunkerquois pourraient se réjouir, pas du tout. Ça veut dire vraiment quelque chose de catastrophique au niveau du monde, parce que ça signifie plus de sécheresse, ça signifie des problèmes alimentaires épouvantables, des problèmes sanitaires épouvantables. Et donc, c'est contre ça que je mets en garde et je trace les perspectives. D'ailleurs, dans Rouge carbone, je commence par ce que j’appelle le "giga-paradoxe". Il y a un paradoxe extraordinaire quand même : la Covid, c'est gravissime et les gouvernements ont pris des décisions très rapides, importantes. Mais la mutation climatique, c'est encore beaucoup plus profond que la Covid. Et là, il n'y a pas de vaccin. Or, on ne fait pas le quart du quart du quart de ce qu'on fait pour la Covid pour l'urgence climatique. Et donc il faut sonner l'alerte et c'est ce que je fais dans mon livre.

Dans votre livre, vous dites qu’il faut que ce combat continue mais qu’il faut le rendre... positif ?

Tout à fait. J'avais eu une discussion avec Michael Bloomberg [l’ancien maire de New York] là-dessus. Il m'avait dit : si on ne présente que des éléments négatifs en disant qu’aujourd'hui c'est difficile, demain c’est pire, et on ne vous parle pas d'après-demain, les gens baissent les bras. Donc, c'est vrai que c'est une mutation extrêmement profonde, mais qui, en même temps, peut apporter des choses positives, y compris sur le plan de l'emploi.

Que pensez-vous du débat autour de la 5G ? Plusieurs dizaines d'élus de gauche réclament moratoire sur cette nouvelle technologie.

Moi, je crois à la science. Et par exemple, nous n'aurions jamais réussi la COP21 de Paris sans l'apport des scientifiques. En même temps, la décision d'ouvrir la 5G, c'est une décision politique. Mais rappelons-nous ce que les scientifiques du Giec ont apporté à la question climatique. Donc la 5G, c'est très discuté, il y a des arguments pour des arguments contre (…) Je montre aussi dans mon livre que le numérique aujourd'hui a un effet négatif en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre. Cela représente à peu près 4% des émissions mondiales et sur la lancée actuelle, on prévoit 8%. Donc, il faut que chacun, les entreprises, les particuliers, les collectivités fassent un effort pour que le numérique entraîne le moins possible d'émissions de gaz à effet de serre.

Cette nuit, Donald Trump a en quelque sorte balayé les inquiétudes sur le climat en affirmant : "Ça finira par se refroidir". Cela vous inspire quoi ?

Il est coutumier du fait. Rappelez-vous, pendant la campagne, il avait dit que le changement climatique était un canular. Et puis, il a continué, et malheureusement, c'est un des domaines où il a été constant. Il a pris toute une série de décisions pour démanteler ce qu'avait fait Barack Obama sur le plan américain. Heureusement, il y a beaucoup d'entités américaines qui ne suivent pas la position du président. Vous avez beaucoup d'entreprises, d'universités, de personnalités qui croient au dérèglement climatique.

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