: #EtAprès L'Etat ne peut plus gérer les crises "par le haut"
La crise du coronavirus a mis en lumière les limites de l'Etat, son manque de réactivité décuplé par une approche trop verticale. C'est à une réforme qu'appelle Céline Danion, pour "faire fonctionner au mieux initiatives citoyennes, collectivités territoriales et État central".
Coronavirus : et après ? franceinfo ouvre le débat. Un échange à grande échelle pour stimuler et partager des questions, des idées, des témoignages et ouvrir le débat le plus largement possible sur les solutions de demain : #EtAprès, qu’est-ce qui doit changer ? Cette contribution est signée par Céline Danion, consultante en projets culturels et co-coordonnatrice du pôle "culture" de Terra Nova.
#EtAprès. La crise du Covid-19 exacerbe les réflexes naturels, crée des crispations et des replis, mais impose aussi d’improviser de nouvelles manières de faire. Ici, nous voyons l’État central pris en défaut de prévision et d’organisation ; là, nous observons les collectivités locales se faire concurrence pour acquérir du matériel médical ; un peu partout à travers le pays, nous dénombrons une multitude d’initiatives trop dispersées pour changer significativement le cours des choses. Il nous reste à inventer le triangle permettant de faire fonctionner au mieux initiatives citoyennes, collectivités territoriales et État central.
L’une des leçons, c’est qu’il existe une considérable capacité de création, d’action et d’agilité dans notre société. Alors qu’il était débordé, l’État n’a pas su décupler son action en s’appuyant sur ces initiatives. Pensons au délai de près d’un mois pour autoriser les vétérinaires à effectuer des tests de dépistages ou au peu d’attention accordée aux "makers" qui proposaient des respirateurs artificiels ou d’autres matériels réalisés à moindre coût avec des imprimantes 3D en attendant le temps nécessaire à l’industrialisation. Notre haute fonction publique a été éduquée à régler les problèmes "d’en haut". Même quand elle ne les maîtrise pas. Elle fait trop peu confiance aux initiatives de la société civile. Elle sait encore moins les solliciter, les susciter ou les accueillir.
Superstructure solitaire, ou navire amiral ? L’État doit choisir son rôle. Et la crise a révélé que le navire amiral, régalien, pouvait compter sur une flottille nombreuse, créative, agile et responsable.
Céline Danion
Nous le vivons ces jours-ci comme une évidence : la réforme de l’État ne s’évalue pas en fonction de la réduction de nombre de fonctionnaires, du nombre de lits d’hôpitaux ou du poids de la dépense publique. Une réelle réforme de l’État commencera par une réforme des rapports entre État, collectivités territoriales et société civile. C’est une réforme de l’exécution. Elle s’évalue par sa capacité d’impact.
Or une transformation de cette nature est plus profonde qu’il n’y paraît. Un navire amiral à la tête d’une large flotte, a trois missions : déterminer le cap, définir les règles de commandement et les faire appliquer, déléguer pouvoirs décisionnels et moyens d’action. La transformation de l’Etat dont cette crise nous montre la nécessité appelle trois ambitions :
• Capacité d’agir. L’État n’a pas la manœuvrabilité d’une frégate : il a tout intérêt à s’appuyer sur la capacité d’agir de la société civile, de l’industrie, des collectivités. Charge à lui de connaitre finement les ressources de sa flotte et de faire travailler ensemble toute la chaîne.
• Autonomie des manœuvres. Dans l’action, c’est le commandant de bord qui est responsable de son navire. Cela permet une réactivité adaptée aux évènements et aux compétences de ses marins. La transformation de l’État doit passer par le raccourcissement des chaînes de décision, la réduction des délais, la confiance dans la délégation des responsabilités.
• Subsidiarité. Devant la diversité des contextes locaux, l’État aurait dû susciter ou a minima soutenir les initiatives, en coordinateur et régulateur pour assurer le partage des meilleures pratiques et l’égalité des personnes et des territoires.
La prochaine crise sera différente. Nous pouvons anticiper l’arrivée des crises, pas le déroulement des batailles. Ce que nous pouvons, en revanche, c’est organiser notre société pour y faire face. Préparer l’État à être le navire amiral d’une nation solidaire, dynamique et créative, autonome à toutes les échelles. Elle est là, la vraie réforme de l’État.
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